Image
Convention de la LNC Pro

Le sprinteur français se confie sur l'évolution du cyclisme professionnel, entre révolution technologique et fidélité à ses racines. De Beauvais aux podiums du Tour de France, retour sur une belle carrière et l'un des plus beaux palmarès tricolores.

Le cyclisme n'a plus rien à voir avec celui de vos débuts. Comment avez-vous vécu cette mutation ?
Arnaud Démare : C'est incroyable à quel point tout va vite maintenant. À mes débuts, j'avais la tête dans le guidon, concentré uniquement sur la performance. Je n'avais pas forcément conscience de toutes ces instances, que ce soit l'UCI, la LNC, les organisateurs ou les syndicats... Au fil des années, j'ai vraiment compris l'importance et l'influence que ça avait sur notre quotidien, sur notre sécurité, sur l'innovation, sur les parcours. Le cyclisme avance à une vitesse folle, que ce soit avec le sport féminin qui évolue énormément, la mondialisation, les coureurs qui s'expatrient... Tout change constamment.

La data et les nouvelles technologies ont révolutionné l'entraînement. Comment l'avez-vous vécu ?
Arnaud Démare : Aujourd'hui, il n'y a plus de hasard dans l'entraînement. C'est devenu une véritable science, tout est maîtrisé. Quand j'ai commencé, c'était le tout début des capteurs de puissance. Les jeunes aujourd'hui arrivent déjà avec une connaissance pointue sur ce sujet. La nutrition aussi a été un gros changement, notamment pendant la période Covid. Ça a permis d'augmenter les performances et l'intensité, de mieux récupérer pour recommencer le lendemain. C'est une évolution majeure.

Quels sont les moments les plus marquants de votre carrière ?
Arnaud Démare : Il y a plein de moments symboliques. Milan-San Remo m'a fait prendre conscience de ce que je pouvais faire au niveau international. Les étapes sur le Tour de France, évidemment, mes trois titres de champion de France... Et puis l'ambiance du Tour, c'est unique. C'est la vitrine du cyclisme, ce qui amène les partenaires, les sponsors. Avec les séries Netflix, j'ai vraiment vu un renouvellement du public. Après deux ans d'absence sur le Tour, quand je suis revenu, j'ai pris de plein fouet cette jeunesse et cette fête populaire sur le bord des routes. C'est devenu encore plus festif. 

Image
Grand Prix d'Isbergues

Vous avez un souvenir particulier d'avant le monde professionnel ?
Arnaud Démare : Je me souviens du Tour de Picardie à Beauvais. J'étais au collège, c'était pendant la pause déjeuner. Ma mère avait fait un mot pour que je puisse sortir. Le départ était à 500 mètres du collège. Je me revois tout seul avec mon sandwich en train de regarder le départ de la course avant de retourner en cours. C'était ma petite période où je commençais à rêver et à comprendre les rouages du cyclisme professionnel.

À quel moment avez-vous su que vous pourriez devenir professionnel ?
Arnaud Démare : Je suis issu d'une famille de vélo, j'étais dans la poussette à regarder mon père tourner sur les courses. J'ai été baigné très rapidement dans cette passion. Au début, c'était un rassemblement familial tous les week-ends avec les cousins, les grands-parents, ma sœur... Tout le monde avait sa compétition. Ensuite, j'ai été pris en équipe de France et ça marchait bien, mais je voyais encore un gros décalage avec le monde professionnel. Je me disais que c'était trop haut, que je ne pourrais pas y arriver. Et puis mon titre de Champion du monde espoir m'a fait rentrer par la grande porte, avec un respect des équipiers. Après, ça va très vite, il faut s'adapter, écouter, apprendre rapidement.

Aujourd'hui, qu'avez-vous envie de transmettre aux jeunes coureurs ?
Arnaud Démare : Il faut partager l'expérience, partager notre regard sur ces instants, ce soutien dont on ne prend pas conscience à 20 ans. Même si les jeunes connaissent énormément de choses sur le plan professionnel, il ne faut pas oublier le côté humain, l'échange, le dialogue. C'est bien les datas, les évolutions technologiques, mais il faut garder ce lien, notamment avec son territoire et son environnement. C'est ça qui fait aussi la richesse du cyclisme.