Le regard et la plume de Marc Fayet

Dimanche 17 Octobre 2021, dernière journée de la coupe de France FDJ, dernière journée de la saison cycliste, surtout parce que cela marquait la fin d'une chasse et l'ouverture d'une nouvelle. Alors qu'ils ont passé l'année à chasser la victoire, chasser le peloton, chasser les échappées, chasser des patates aussi, étant parfois le Chassé, ce qui n'est pas forcément le sort le plus enviable, même si on a pour prénom Patrick, voici qu'on leur annonçait la fin de la période d'affut même si certains ont finis particulièrement affûtés. Quelle que soit leur spécialité, il était temps maintenant de laisser place à une autre catégorie de chasse, la chasse aux contrats pour ceux qui n'en ont pas encore, la chasse au bonheur pour ceux qui veulent en profiter pour tomber amoureux, la chasse au farniente pour pouvoir écarter les doigts de pieds, la chasse aux objectifs pour ceux qui ont manqué les leurs. De tradition, l'activité cynégétique a toujours été culturelle dans le milieu cycliste, ce qui explique le choix de ce mot entré dans le jargon depuis bien longtemps. Tous les coureurs sont des chasseurs un jour ou l'autre, même s'ils ne veulent pas se l'admettre car chaque être recèle en lui cet héritage belliqueux. Tous ont bien conscience d'être des acteurs indispensables de l'équilibre de la nature vivante, comme une sorte de régulateur du biotope, de son écosystème. Mais il est important d'en saisir la portée grâce à l'étude de ces deux dernières journées qui proposaient trois terrains de traque bien distincts. Il y eut d'abord le grand prix du Morbihan à Grandchamp, vaste et plate étendue où surgissait un troupeau cycliste trop heureux de ne pas avoir à affronter des reliefs trop escarpés, pour pouvoir bénéficier d'une vue imprenable sur d'éventuels prédateurs qu'ils verraient forcément surgir. Et pourtant ce samedi-là c'est un tireur belge sans expérience Arne Marit qui pointa et tira un Coq français qui n'était ni de bruyère, ni de bruits hier, mais plutôt muet d'avoir été doublé à cause d'une porte ouverte un peu trop généreusement, lui le Bryan qui va refermer celle de son aventure Bretonne où il revenait un peu trop souvent Bredouille de ses campagnes. Souhaitons-lui de bien remplir ses besaces lors de battues plus favorables sur les terres du Nord, célèbres pour proposer des pavés qu'on lui souhaite de bonnes intentions.

Le lendemain, c'est en Vendée qu'on assistait à la fermeture de la chasse à coursiers et c'est un grand Echassier Suisse Stephan Kung, après avoir été déjà déclaré le plus beau gibier d'Europe, qui a surgi au-dessus des Herbiers pour arborer son ramage au moins aussi beau que son plumage étoilé, ne faisant qu'une bouchée du non-événement Poule (Evenepoel, pour ceux qui trouveraient le jeu de mot un peu trop tiré par les cheveux et ils auraient bien raison !). Pour clore définitivement cette saison c'est le Finistère qui accueillit les dernières séances de tir à Châteaulin pour bien boucler ses boucles de l'Aulne. On savait que là était un refuge de gibier abondant qui accueillait l'ultime épreuve de cette coupe de France et ce n'était plus le même chant d'oiseaux, qui pour la plupart ne sont pas parvenus à garder leur place dans le vol, puisqu'il n'y a que la moitié de l'effectif initial qui est arrivé au bout de sa migration. Victimes des techniques ancestrales souvent décriées que sont par exemple la chasse au filet à cause de laquelle ils se résignèrent à laisser filer les fuyards. D'autres encore moins chanceux se sont retrouvés littéralement collés au bitume à cause de la chasse à la glue beaucoup plus cruelle et qu'on espérerait voir interdite. Tant et si bien que 50 spécimens seulement sans poils et sans plumes se disputèrent l'arrivée. Là encore c'est un gibier Belge, un lapin de Garenne appelé Dewulf qui s'échappa pour être hors de la portée de fusils du petit Madouce et du grand Pipiche ou encore de l'infatigable PLP qui au bout de leurs forces et de leurs nerfs n'ont rien pu faire pour permettre à la volière AG2R Citroen d'arborer le plus beau plumage faisant d'eux les meilleurs chasseurs français de la saison puisqu'ils ont plumé tous les autres, s'appropriant tous les classements FDJ, ayant fait cumul de points grâce à un grand Echalas, aussi élancé qu'un héron blanc, appelé Dorian Godon qui en sa prime jeunesse sportive occupait la fonction de lièvre pour les autres avant de devenir chasseur pour lui-même. Il n'y a donc pas si loin de la coupe au lièvre.

De Marc FAYET, comédien, auteur dramatique et metteur en scène français