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Rencontre avec Xavier Jan, président de la LNC : bilan de la saison 2024 pour le cyclisme français
La saison 2024 restera marquée par de grands moments comme la course sur route des Jeux Olympiques de Paris, une Coupe de France FDJ indécise jusqu’à la dernière manche à Isbergues, l’éclosion de jeunes coureurs, la confirmation d’autres, les trois victoires sur le Tour de France pour des coureurs tricolores... Autant de sujets sur lesquels revient Xavier Jan dans son bilan de cette saison.
LNC : Quel est le bilan de la saison pour les coureurs et les équipes françaises ?
Xavier Jan : Je dirais que si l’on regarde le nombre de victoires, il est plutôt satisfaisant. Avec plus de 100 victoires, nous ne sommes pas loin d’un record. C’est un bilan positif sur le plan sportif pour nos équipes et nos coureurs. Cependant, il faut apporter une nuance, en regardant plus en détails le classement UCI par équipes. Si, on se réfère à cette hiérarchie mondiale nos équipes sont classées entre la 6e et la 20e place en WorldTour. Ces places traduisent des difficultés largement déjà explicitées dans le passé. Il devient de plus en plus difficile de concurrencer les meilleures formations mondiales pour deux raisons. Tout d’abord les inégalités budgétaires, un fossé se creuse entre elles et nos représentantes. Aujourd’hui, elles ont comme financeurs des états ou des milliardaires. Ce qui leur donne des moyens bien supérieurs à nos formations. Puis, il y a aussi une inégalité dans le traitement fiscal, elles ne supportent pas les mêmes charges qu’en France.
Les managers des équipes françaises traduisent largement cette inquiétude, des réflexions sont initiées au niveau international pour répondre à ces préoccupations pour tenter d’apporter des solutions pérennes. Cette problématique renforce ma conviction sur l’indispensable réflexion qui doit être engagée sur l’évolution du modèle économique du cyclisme.
On peut quand même mettre en avant des aspects positifs avec la très belle saison de Decathlon AG2R La Mondiale qui a réussi à dominer le calendrier français face à une forte adversité. Il faut aussi saluer la très belle saison de Saint-Michel Mavic-Auber 93 qui doit finir aux environs de la 37e place au niveau mondial (15e dans le classement européen). Ce qui est remarquable pour une équipe continentale.
Côté des organisateurs, on a vu la vivacité de notre calendrier, le dynamisme et la qualité des organisations. Nous sommes reconnus pour cette qualité qui demande de l’abnégation et un énorme travail au quotidien pour tous les organisateurs. Tout ceci est récompensé par la qualité de nos épreuves.
LNC : Y a-t-il un coureur ou un événement qui vous a marqué cette saison ?
Xavier Jan : Je ne vais pas être très original. On a aujourd’hui un coureur qui domine la planète cycliste, c’est Tadej Pogacar. Il est difficile de ne pas être impressionné devant la saison qu’il a fait. On pourrait même dire : « Heureusement qu’il n’était pas sur toutes les courses «. Avec 25 victoires, cette saison est faramineuse et ses victoires ne sont qu’en WorldTour. Il a fait un énorme numéro lors du Championnat du monde et déjoué toutes les stratégies mises en place. Côté français, un coureur s’est révélé cette saison en remportant notamment le classement des jeunes de la Coupe de France FDJ. C’est le Champion de France, Paul Lapeira . C’est la révélation 2024 et nous avons eu aussi la confirmation avec Lenny Martinez et Romain Gregoire .
L’événement de la saison est pour moi, et j’ai eu la chance d’y assister, la course sur route des Jeux olympiques de Paris. Ce fut un moment inoubliable, fantastique. C’est au-delà de la course, la ferveur populaire, a marqué cette journée. C’est le vélo en tant que fête populaire, une fête comme on l’aime, avec les supporters respectueux entre-eux et vis-à-vis des forces de l’ordre. C’était un moment magique. Même les coureurs quand on les interroge disent qu’ils n’ont jamais vécu cela. Toutes les photos traduisent ce fantastique succès. Seul le sport peut nous apporter de tels moments, une telle ambiance et ferveur. 500 000 spectateurs ont assisté à cette course sans aucun problème. De plus, nous avons vu les Français devant et l’apothéose avec cette médaille d’argent pour Valentin Madouas , médaille de bronze pour Christophe Laporte . Je tiens à saluer une nouvelle fois tout le travail accompli par cette équipe et par son sélectionneur Thomas Voeckler pour ces choix tactiques.
Un changement de génération s’opère, que pensez-vous de la jeune génération qui arrive ?
Xavier Jan : Il y a un bon vivier. Je pense qu’une génération de jeunes de talent émerge. Mais, le plus important est de leur laisser le temps pour confirmer. Il faut arrêter de chercher le successeur de Bernard Hinault. Ils doivent faire leur propre chemin. Au départ, ces jeunes coureurs ont pris une licence dans un club. Ils ont été formés par des éducateurs et encadrés. Pour certains, ils sont passés par les équipes de France. Puis, ils ont connu une formation complémentaire dans les équipes continentales ou dans les équipes réserves avant d’achever leur apprentissage dans des structures supérieures. Cela démontre un savoir-faire, un vrai travail de formation de l’ensemble des acteurs de notre cyclisme. Il faut le perpétuer afin de pouvoir aider d’autres à éclore. Pour arriver à cela, c’est tout un ensemble avec à la base un accueil possible avec le travail des bénévoles pour ces jeunes au sein des clubs. Toute cette nouvelle génération, Martinez, Grégoire, Magnier et autres.. en ont bénéficié.
Qu’avez-vous pensé de cette édition de la Coupe de France FDJ ?
Xavier Jan : C’est une édition à suspense. Il a fallu attendre la dernière épreuve (le Grand Prix d’Isbergues) pour avoir les résultats finaux. En effet, celle-ci a fait basculer le classement par équipes. Decathlon AG2R La Mondiale a, au final, remporté tous les podiums : le classement final, celui par équipes et des jeunes. Ce palmarès ne peut être que satisfaisant avec la victoire de l’un de nos meilleurs coureurs : Benoit Cosnefroy , coureur de talent au beau palmarès. Le meilleur jeune est Paul Lapeira aussi Champion de France 2024. Il a démontré qu’il avait l’étoffe pour faire de très belles choses. Le classement par équipes vient récompenser la meilleure équipe française de 2024. Cette Coupe de France FDJ a reflété l’ensemble de cette saison avec les victoires dans d’autres courses de Decathlon AG2R La Mondiale.
Quelles actions, la LNC a-t-elle poursuivi cette saison ?
Xavier Jan : Concernant la Ligue, nous avons poursuivi nos actions de développement. Elles se mettent en place non pas sur un temps court mais long. Il y a pas mal de dossiers qui sont en route. Nous avons fait un appel d’offres pour la réalisation et la diffusion de la Coupe de France FDJ. Un dossier qui doit évoluer, sur lequel on doit réfléchir beaucoup.
On poursuit dans ce que l’on avait fait pour l’accès au statut professionnel des continentales. On a un groupe de travail sur l’accès au statut professionnel des épreuves. Il évalue les candidatures qui souhaitent accéder au circuit professionnel, répond à des contraintes de calendrier vis-à-vis des équipes et s’assure de nos règles de participation.
C’est-à-dire la participation obligatoire des équipes au calendrier français. Pour autant, nous sommes dans un contexte international où il ne suffit pas d’avoir cette règle. Il faut aussi s’assurer qu’elle soit atteignable et réalisable de façon pratique et pragmatique. Aujourd’hui, le constat est que nous avons un calendrier qui est à son maximum de nombre de jours. Pour autant, on peut avoir des velléités de création de nouvelles épreuves et des épreuves disparaissent aussi. On ne peut pas augmenter le nombre de jours. Cela rendrait caducs nos accords. Nos équipes seraient mises devant une impossibilité, surtout les WorldTour avec des obligations au niveau international.
ll y a un sujet de réflexion sur un sujet prégnant pour le cyclisme, pour toutes les catégories confondues : la sécurité. Il y a une cellule qui y travaille en faisant le point avec l’ensemble des comités d’organisation. Il faut avancer conjointement pour l’améliorer. Cette saison a été marquée par un certain nombre d’accidents dramatiques. Un sujet qui nous préoccupe au quotidien où la Ligue apporte sa contribution dans la mesure de ses moyens en parallèle de ce qui est fait au niveau international avec SafeR. Nous avons considéré que nous devions nous impliquer sans attendre que cela vienne uniquement d’en haut. D’autres chantiers sont en cours comme celui de la communication. Tous ces groupes de travail et de réflexions s’intègrent dans un objectif global dont les grands principes seront énoncés prochainement.
Par Fred Vdb - photo Bruno Bade Dr LNC