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René Vietto, Génie, cigale et hanneton


Sa gloire a écrasé puis dépassé sa vie. Pour toujours, il reste ' Le Roi René ', archétype du grimpeur d'exception. La vérité est qu'il fut un champion d'une étonnante précocité. Portrait de l'ancien petit groom qui fit pleurer la France...

 

Il faut s'en persuader : René Vietto a été le meilleur grimpeur de l'histoire du cyclisme ! Dans les cols, il a réussi des prouesses qui firent de lui un champion supérieur - on insiste : supérieur à Gaul, Bahamontès, Pantani, mais aussi à Binda, son modèle, à Coppi et à Merckx ! Seulement, comme la cigale de La Fontaine, ce coureur hors de pair ne dansa qu'un été. C'était en juillet 1934, lors d'un Tour de France que Martano disputait à Antonin Magne. Vietto, lui, avait vingt ans. Il s'était suffisamment distingué pour mériter une sélection en équipe nationale. L'épreuve s'annonçait rude : 4.363 kilomètres, vingt-trois étapes dont un contre-la-montre de 80 kilomètres. Sans compter que la création d'un challenge inédit, officiellement appelé le Prix du meilleur grimpeur, semblait préparer une traversée rapide des montagnes... Tout cela ne ferait-il pas trop pour l'ancien petit groom des palaces cannois ?

L'intéressé se montrait rassurant : ' Je désire bien faire pour mériter la confiance que l'on a bien voulu placer en moi .'1 Sur le terrain, il traduit cette résolution par une attaque dans le premier tronçon alpestre, sur la route de Grenoble. Évidemment, les Espagnols Ezquerra et Trueba lui emboitent le pas pour franchir en tête le sommet du Galibier. Mais René Vietto réplique dans la descente et achève en vainqueur, avec trois minutes d'avance sur Magne. Aussitôt, c'est la ruée. La foule le presse, tandis que le reporter Georges Briquet, enthousiasmé par tant de jeunesse et tant de force, lui demande de s'exprimer devant son micro. ' Maman... Ma maman ', balbutie, entre deux sanglots, l'enfant-roi2. Dans les chaumières, toutes les mères essuient une larme.

La popularité de Vietto est immédiate, absolue, écrasante. Elle correspond exactement à sa domination dans les cols. Car le nouveau dieu triomphe à Digne puis chez lui, à Cannes, où une ville en délire manque de l'étouffer. ' Laissez-le tranquille ! '3, hurle Jacques Goddet, adjoint de Desgrange, en essayant de s'interposer. On le retrouvera à terre, assommé par un supporter hystérique !
Le Tour se poursuit, désormais incontrôlable. Au pied des Pyrénées, Giuseppe Martano a réduit son retard sur le leader Antonin Magne ; et l'on craint sa prochaine offensive... D'autant que le Maillot jaune chute dans les lacets du Puymorens. ' René, passe-moi ton vélo ', implore-t-il. Sans rechigner, Vietto saute de machine et offre sa roue : il perdra quatre minutes au classement général ! Mais le pire est à venir... Le lendemain, en effet, dans la descente du Portet d'Aspet, Magne est victime d'un second incident, plusieurs centaines de mètres derrière René Vietto parti vers une quatrième victoire d'étape. ' Cette fois, c'est bien foutu ! ' lâche-t-il.4 Non ! ce n'est pas foutu, parce que son lieutenant, averti par un motard, a spontanément remonté la pente - et le voici échevelé qui tend son vélo, se sacrifiant, pour la deuxième fois en deux jours, au nom de l'intérêt national ! Reste que, maintenant, le Cannois épie l'horizon, dans l'attente d'être dépanné à son tour... Les minutes passent, interminables. Il s'effondre sur un muret et pleure, le front contre son genou. Instantané pathétique, bientôt reproduit à la ' une ' des journaux. René Vietto, grimpeur et grand cœur, devient définitivement un mythe...

Il n'a que vingt ans, répétons-le ; la tête lui tourne. Les contrats, les critériums, l'amour, une grosse voiture couleur crème, des costumes chics, les voyages, tout s'enchaine à une vitesse folle. Néanmoins, le pur joyau qu'il est continue de briller. Il épate au printemps 1935 avec un succès dans Paris-Nice, une deuxième place dans le Critérium National, une quatrième place dans Paris-Roubaix, une huitième dans Paris-Tours. Forcément, chacun l'imagine déjà survolant le Tour de France ! Comment douter face à ce prodige qui remportait, à dix-huit ans, Nice-Puget-Théniers-Nice, le Grand Prix de Nice, le Grand Prix de Cannes, la course de côte du Mont-Agel ?... À dix-neuf ans, il terminait treizième de Milan-San Remo et vingt-deuxième du Tour d'Italie. À vingt ans, ses exploits de juillet mis à part, il s'imposait dans le Grand Prix Wolber et finissait quatrième du Tour de Lombardie. Bref ! un génie de son sport, d'une précocité exceptionnelle.

Pourtant, René Vietto échoue dans le Tour de France, où ses deux raids victorieux en montagne n'effacent pas ses quatre-vingts minutes de retard sur Romain Maes à Paris. Les critiques sont âpres, comme toujours au soir d'une désillusion. Bizarrement, le surdoué ne réagit pas... Commence une étonnante éclipse qui le rend amer et désabusé. Il touche le fond dans le Tour de France 1938, où il se fait éliminer dès le départ. ' Quel est donc le hanneton qui ronge son cerveau depuis cinq ans ? ' écrira, à bout de patience, Henri Desgrange en 1939... Juste avant que ' le Roi René ', renouant avec sa légende, se classe deuxième du Tour de France, après avoir porté le maillot jaune deux semaines durant !

Inénarrable Vietto ! Sur une selle, un styliste magnifique et méticuleux qui endosserait encore le maillot jaune dans le Tour de France 1947, conscient d'avoir été spolié de ses meilleures années par la guerre. Dans la vie, un cabotin généreux qui oubliait crânement que son manager, un certain Trialoux, avait filé avec ses rares économies. Pierre Chany l'a résumé d'une tirade, parfaite : ' Il grimpait comme personne et parlait comme Raimu '5. Parce que Vietto, faux taciturne, soignait ses effets. De ce point de vue, il ressemblait à Robic, mais avé l'assent, et avec plus de gestes, plus de théâtre. Ce qui ne l'empêchait pas d'être lucide et d'évoquer sourdement ses ' jambes d'une fois '.6
Celles  de l'été 1934, à jamais glorieux.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Vietto en bref

* Né le 17 février 1914 à Rocheville-les-Cannet. Décédé le 14 octobre 1988 à Orange.
* Révélé chez les professionnels en 1932, il prolonge sa carrière jusqu'en 1952..
* Principales victoires : G.P. de Cannes 1932, 1933, 1948 ; G.P Wolber 1934 ; Paris-Nice 1935 ; Polymultiplié 1938 ; champ. de France zone non occupée 1941. Vainqueur de 2 étapes au Tour d'Espagne et de 8 étapes dans le Tour de France (2e en 1939, 5e en 1934 et 1947).


1 Cité par Jean-Paul Ollivier, René Vietto, PAC, 1982, p. 31.
2 Ibid, p. 35.
3 Ibid, p. 41.
4 Cité par Pierre Chany, in La Fabuleuse histoire du Tour de France, ODIL, 1983, p. 281.
5 L'Équipe du 17 octobre 1988.
6 Cité par Roger Bastide, in Sprint 2000 N° 93, novembre 1988.



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