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René Pottier, un coeur énorme...


Deux années lui suffirent, en 1905 et 1906, pour devenir le premier grand grimpeur de l'histoire. Quelle carrière aurait-il fait, et combien de Tours aurait-il gagné, s'il ne s'était suicidé, victime d'un chagrin d'amour ? Portrait d'une énigme...


René Pottier parlait peu, mais il avait un coeur énorme, né pour le sport et l'amour. Le malheur voulut qu'une fois gagné le Tour de France 1906, cet homme bien mis, et jeune encore, courut se pendre à un croc, dans un hangar de la firme Peugeot. C'était le 25 janvier 1907 ; il n'avait pas vingt-huit ans. Quand la nouvelle tomba sur Paris, personne ne comprit. Quoi ? Pottier ! Mort ! Suicidé !... On imagine la ' une ' des journaux, la stupeur de ses amis, de ses nombreux supporters, la peine écrasante d'André, son frère et son premier équipier - André ferait également un beau coursier, deuxième de Paris-Tours 1907, troisième de Milan-San Remo et quatrième de Paris-Bruxelles en 1908. Mais, en ce mois de janvier, il n'est qu'un long gosse sonné, qui entend sans y croire les discours officiels... Comment croire, en effet, que ce grand coeur a cessé de battre, brisé par une femme tel Holopherne par Judith ? Comment croire qu'on ne le reverra jamais sur les routes, qu'on ne le suivra plus sur les pistes ? Car René Pottier, le formidable Pottier, avait la particularité de dominer non seulement en montagne, mais aussi de dominer dans le sprint et le fond ! C'est au point qu'en octobre 1903, tout amateur qu'il était, il couvrit à Buffalo 40,080 kilomètres dans l'heure, devenant ainsi le deuxième performeur mondial derrière l'Américain Hamilton, celui-ci détenteur du record avec 40,781 kilomètres. Un an après, le 4 octobre 1904 exactement, il se remit en selle et parcourut 40,340 kilomètres. La preuve de son exceptionnel talent était faite.

' Parti pour être un des athlètes les plus extraordinaires de l'Histoire ', soupira Serge Laget1. Au vrai, dans l'histoire du cyclisme, René Pottier incarne une douloureuse énigme, au même titre qu'Octave Lapize, Roger Rivière ou Jean-Pierre Monseré, comme lui fauchés avant la force de l'âge. Pour sa part, jusqu'où Pottier serait-il allé ? Très haut ? Très loin ?... Unique certitude : il fut ce pistard hors de pair qui effleura à deux reprises le record de l'heure, puis décrocha, avec un temps d'1'8''1/5e, le record mondial du kilomètre derrière entraineur, départ arrêté - et pistard, toujours, lorsqu'il enleva l'édition 1906 du célèbre Bol d'Or, un rendez-vous majeur à l'époque, tenu à guichets fermés, durant vingt-quatre heures. ' Trousselier tombait à 10 heures du matin et perdait plusieurs tours. Cornet et Petit-Breton, pris de défaillance, abandonnaient à la dixième heure, Marcel Cadolle à la dix-huitième. Pottier couvrait 925,200 kilomètres, record sur piste avec entraineur humain ', se souvint Marcel Viollette en 1912 2.

L'heure, la ' borne ', les vingt-quatre heures, sans compter une vingtaine de records de France sur piste, avec ou sans entraineur... C'eût été suffisant pour perpétuer le mythe ; il fallut que le champion y ajoutât un impressionnant bagage de routier. Déjà, en 1903, il s'était adjugé Paris-Caen et Paris-Bordeaux, une course en trois étapes. L'année suivante, il avait triomphé dans Paris-Provins-Paris, puis il s'était définitivement révélé en 1905, terminant deuxième de Paris-Roubaix et deuxième de Bordeaux-Paris. ' Quel bon lutteur que ce René Pottier ! Il n'est jamais battu, celui-là ! ', témoigna, admiratif, Hippolyte Aucouturier, le vainqueur du Derby3. D'autres concurrents rapportaient que le natif de Moret-sur-Loing, décidément prodigieux, ' passait les côtes sans ralentir '4 ! Dans l'optique du mois de juillet, l'information n'était pas sans valeur...

Déclaré professionnel à la fin de la saison 1904, René Pottier disputa deux Tours de France, tous deux restés légendaires. Il faut dire qu'en 1905, dans l'ascension du Ballon d'Alsace, premier col authentique jeté sous les roues des coureurs, le néophyte confirma qu'il était un grimpeur étonnant - au sens propre, le premier grimpeur du cyclisme ! À l'échelon inférieur, Petit-Breton, Trousselier, Émile Georget, Aucouturier et Cornet avaient levé le pied, mais lui continuait, poussant son développement de 4,50 mètres à 20 kilomètres-heure de moyenne. ' Admirable de vigueur désespérée, le buste plié en deux sur le guidon, l'oeil sur le sol ', selon l'observation d'Alphonse Steinès5, il franchit détaché le sommet, prenant en quelque sorte ses marques pour 1906. Parce que le chef-d'oeuvre de René Pottier, ce fut le quatrième Tour de France, qu'Henri Desgrange avait souhaité gigantesque, avec une distance totale de 4 637 kilomètres, contre 2 428 en 1903... Mais Pottier était l'homme des hautes luttes. Dans le col du Ballon d'Alsace escaladé pour la deuxième fois, il s'isola au plus vite, puis coupa la ligne d'arrivée à Dijon avec quarante-huit minutes d'avance sur Passerieu, son dauphin. Et le cinquième jour de course, il récidiva dans la côte de Laffrey et dans le col Bayard pour s'imposer à Nice - la quatrième de ses cinq victoires d'étape, aussi limpide que les autres.

Rentré à Paris, le Français le plus fameux du moment prépara le Bol d'Or, comme si la compétition l'occupait tout entier. ' Toujours régulier, toujours sérieux, il gagnait sans manifester sa joie, silencieux, sévère et entêté ', expliquerait un chroniqueur de La Vie au Grand Air6. Le 25 janvier 1907, on apprit que cet être rare et discret avait un coeur. Il en était mort.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.



Pottier en bref

* Né le 5 juin 1879 à Moret-sur-Loing. Décédé le 25 Janvier 1907 à Levallois-Perret.
* Professionnel à la fin de l'année 1904, il signe bientôt chez Peugeot, firme pour laquelle il gagnera le Tour de France.
* Principales victoires : Tour de France 1906 + 5 victoires d'étapes, Bol d'Or 1906.
* Principales places d'honneur : 2e de Paris-Roubaix 1905, 3e en 1906 ; 2e de Bordeaux-Paris 1905. Victime d'une tendinite, il abandonne le Tour de France 1905 dans la troisième étape alors qu'il est en tête du classement général (3e de la première étape, 2e de la deuxième).


1 Serge Laget, La Saga du Tour de France, Découvertes Gallimard, 1990, p. 42.
2 Marcel Viollette, Le Cyclisme, Pierre Lafitte & Cie, 1912, p. 133.
3 Pierre Chany, La Fabuleuse histoire des grandes classiques, O.D.I.L., 1979, p. 32.
4 Pierre Chany, La Fabuleuse histoire du Tour de France, O.D.I.L., 1983, p. 68.
5 Ibid, p. 72.
6 Ibid, p. 88.



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