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Pascal Lance, qui les moucha tous 

  

Il avait été le meilleur amateur de son temps. Mais il eut la malchance de passer professionnel au début des années quatre-vingt-dix. Portrait d’un coureur intègre, Pascal Lance, qui les moucha tous pour l’exemple … 

   

Oh ! Dieu ! que de bêtises peuvent écrire les journalistes ! Imagine-t-on qu’en 1989, un observateur enthousiaste lui promettait une victoire prochaine dans le Tour de France[1] ! Prophétie un rien ubuesque, qui prêterait à rire si l’on oubliait ce que Pascal Lance représentait à l’époque : le plus gros moteur de la relève française… Au vrai, un type étonnant, dont on remarquait qu’il avait cumulé chez les amateurs, de 1977 à 1988, quelque cent quarante et un bouquets, ce qui le plaçait loin devant Bezault, Delion, Lino et Laurent, ses camarades de promotion — et très loin devant Armand De Las Cuevas et Laurent Jalabert, passés professionnels à vingt ans. Pour sa part, Pascal Lance avait vingt-quatre ans. C’était un homme déjà fait, un athlète solide d’1 mètre 79 pesant 65 kg. Croyait-il, lui aussi, qu’il avait un maillot jaune dans les jambes ?... S’il le pensa, s’il en rêva, le sûr est qu’il n’en souffla jamais mot. 


Mais que montrait-il au juste ? Une puissance originelle, une nette compréhension de la course, un authentique sens du panache. Bref, des qualités rares, capables d’annoncer effectivement un cador. D’autant qu’à ces premières vertus, le natif de Toul, en Meurthe-et-Moselle, ajoutait une impayable timidité propre à le rendre naturellement sympathique. (On songeait, par analogie, à Raymond Poulidor.) « L’ère des champions gentils », devait du reste résumer Guy Caput[2]. Et de rappeler que Pascal Lance, élevé dans le respect de ses adversaires, incarnait l’accomplissement d’une saga familiale entièrement vouée au cyclisme. Son grand-père, Henri, avait disputé le Premier Pas Dunlop entre les deux guerres. Puis son père, Michel s’était longtemps aligné chez les « première catégorie » avant de transmettre le flambeau à ses deux fils, Pascal et Jean-Michel. Aussi, lorsqu’il apprit que son ainé venait de signer chez les pros… « Il est sorti et je crois qu’il est allé lâcher une larme dans son coin, pour que je ne le vois pas, par fierté. Une larme de bonheur », raconterait un jour l’intéressé[3]. 


La suite ? Deux saisons chez Toshiba avec un leader nommé Tony Rominger. Puis quatre sous la direction de Roger Legeay. Puis six mois pour Force Sud et dix-huit pour Big-Mat-Auber 93, l’équipe de ses adieux, en 1997. On le constate : il a mené son petit bonhomme de chemin, roulant neuf années parmi cette élite que son père lui avait présenté comme le « sommet pour un cycliste »…[4] Mais le sommet de quoi ? Avec son bon sens et une force de caractère peu commune, Pascal Lance posa la question avant de claquer la porte de la maison Legeay. Il voulait comprendre pourquoi lui, coureur incontestablement doué, n’arrivait plus à suivre le rebut du peloton. Il voulait qu’on lui dise quelles scènes se tramaient dans les chambres et comment se jouaient les sélections pour le Tour. Enfin, il voulait savoir quel serait son avenir dans un métier où chacun pouvait témoigner qu’il était l’un des seuls à refuser l’EPO et les hormones de croissances… Parce que ce « benêt d’honnête homme » — une formule inventée par Chateaubriand — en était resté là : l’entrainement, la diététique, les sacrifices, la récupération, le repos ! Ce qui d’ailleurs lui avait réussi quelquefois. N’avait-il pas remporté une étape du Tour du Vaucluse dès 1989 ? Une étape du Tour d’Andalousie l’année suivante ? Le classement général du Tour du Poitou-Charentes en 1992 ? Et jusqu’à quatre succès en 1993 et en 1995 ? Ne s’était-il pas imposé à quatre reprises dans le Chrono des Herbiers ? Néanmoins, il continuait de se sentir dépassé, et même ridicule, sitôt que revenaient les classiques et les grandes courses par étapes. Déjà, en 1990, lors de son premier Tour de France pourtant abordé avec plusieurs ambitions, il avait souffert chaque jour, terminant à Paris en cinquante et unième position. Puis tout était allé de mal en pis ; quatre-vingt-dix-neuvième en 1991, soixante-huitième en 1993, il connut l’amertume d’être éliminé en 1995, et de nouveau en 1997. Lui qu’on avait regardé comme un possible vainqueur à Paris… 


Terrible méprise pour un  garçon décillé qui ne demandait finalement pas grand-chose, sinon le pur bonheur d’atteindre les Champs-Élysées. « Finir le Tour, murmurait-il en effet, c’est une émotion plus grande que tout ! »[5] Mais, encore une fois, répétons que dans les années quatre-vingt-dix, l’émotion était devenue un songe-creux ! Sauf, peut-être, ce fameux jour de mars 1995, quand Pascal Lance, formé très jeune à l’exercice du contre-la-montre, boucla la troisième étape du Critérium International à la manière d’un boulet de canon. Son temps ? 22mn 59s pour les 18,5 kilomètres tracés entre Graulhet et Lavaur ! Un exploit semblait-il, puisqu’il repoussait un certain Kasputis à 1 mn 2sec. Mais comme de curieux phénomènes se disputaient le classement général, le Lorrain, qui en avait vu d’autres, fila prendre une douche, persuadé que sa marque serait effacée. Puis Vandenbroucke, le prodige de Belgique, acheva le parcours : Pascal Lance le battait de 44 sec ! Puis Breukink, l’ancien patron de la PDM, coupa la ligne à son tour : lui aussi était battu, et de 14 sec ! Vint Berzin, le dernier lauréat du Giro : battu de 7 sec ! Et Bobrik, dernier lauréat du Tour de Lombardie, donné favori : battu de 25 sec ! Enfin, se profila Jalabert, leader de l’épreuve, futur champion du monde de la spécialité : battu de 12 sec ! On devine la suite, le branle-bas. Pascal Lance, qui crut d’abord « à une blague »[6], dut être ramené d’urgence sur le podium où il s’offrit un triomphe à son image, modeste et serein. 

Voilà donc comment s’écrivit son aventure. Pour qui sait y voir, ce fut celle d’un brave pétri de classe, au cœur énorme, à la tête bien faite. Évidemment, il eut la malchance de courir au mauvais moment, contre de mauvaises gens. Mais il les a mouchés une fois, pour l’exemple. On lui serre volontiers la main. 

  

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 

Pascal Lance en bref 

 

Né le 23 janvier 1964 à Toul.


Professionnel chez Toshiba (1989 à 1991), Z (1992), Gan (1993 à 1995), Force Sud (jusqu’au 1er juillet 1996), Aubervilliers (fin 1996), Big-Mat-Auber’ 93 (1997). 

Principales performances : Chrono des Herbiers 1987 (amateur), 1988 et 1994 (open), 1995 ;  3e étape Tour du Vaucluse 1989 ; 3e étape Tour d’Andalousie 1990 ; Tour du Poitou-Charentes 1992 ; 3e étape A Route du Sud 1993 ; 4e étape B Circ. de la Sarthe 1993 ; 3e et 4e étapes Tour de l’Ain 1993 ; 3e étape Crit. International 1995 ; 4e étape du Cir. de la Sarthe 1995 ; prol. Régio Tour 1995 ; G.P. du Canton de Woippy 1996. 

  


[1] Voir Miroir du Cyclisme n° 416, mars 1989, p. 36.

[2] Ibid.

[3] L’Humanité, p. 5 juin 1998.

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] La Dépêche du Midi, 9 juillet 2011.



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