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delisle raymond

Raymond Delisle, devenu vieux briscard...

 

Treize saisons chez les pros lui permirent de laisser une trace enviable dans l'histoire du cyclisme. Portrait du Normand Raymond Delisle, le puncheur, ancien champion de France, ancien maillot jaune et vainqueur d'étapes sur le Tour...

 

Si l'esprit d'un coureur se juge à sa reconversion, il faut tenir Raymond Delisle pour l'un des plus grands. De toute part, en effet, on nous assure que le Normand, devenu hôtelier au château de la Roque, goûte une existence sereine, à plusieurs titres exemplaire (d'ex-champions, dans la difficulté, ont pu compter sur lui). Son secret ? Une famille équilibrée, installée sous les frondaisons d'un immense parc, et un horizon de collines douces, où il conserve des repères. Car l'ancien routier, né en 1943 de petits fermiers de la Manche, n'a jamais renié ses terrains d'entrainement. C'est simple : aujourd'hui encore, il demeure aux portes de Périers, là même où il signa sa première licence, en 1959. À l'époque, Novalès, Lebaude, Jourden, Wuillemin et Félix Le Buhotel, le gars de Valognes, régnaient sur l'ensemble du bocage ; Raymond Delisle apprit dans leur sillage les lois d'un sport rude, ingrat, mais finalement assez juste. Pour preuve, les années amateurs, marquées par des exploits, des coups de main, des coups de sang, des éclats de rire, des hésitations, des places d'honneur : exactement ce que seraient, de 1965 à 1977, ses treize saisons chez les pros ! Et s'il fallait tout résumer en une formule, nous dirons que ' cette carrière lui ressemble '. D'un naturel jovial, le jeune homme savait se révéler frondeur et têtu. C'était un Normand, certes, mais recuit au soleil de Castille ! Comme Ocana, il ne faisait pas bon le provoquer.

Espagnol, oui, il l'était un peu, du moins chaque fois qu'il retrouvait Andres Gandarias, son copain, surnommé ' Mamilla ' en vertu d'un tic de langage. Dans les critériums, Delisle et Mamilla partageaient la même voiture, le même hôtel, pourquoi pas les mêmes rêves. Non point qu'ils voulaient jouer les vedettes ; mais s'ils pouvaient, rien qu'un soir, faire ' sauter la banque '... Est-ce un hasard ? On les vit s'enfuir bras dessus, bras dessous en direction de Revel, dans le Tour de France 1969. Officiellement, Delisle devait contrôler Joaquim Agostinho, un athlète increvable, auteur d'échappées monstrueuses. Seulement, Mamilla, lui, relayait ; et puisque Mamilla relayait, le Normand se mit à relayer également, ce qui sema la panique dans son propre camp ! Roger Pingeon, son leader, deuxième au classement général, n'avait-il pas réclamé une étape tranquille pour récupérer des efforts consentis ? Au lieu de quoi, il était obligé de rouler après un trio en goguette... Quand Delisle, de guerre lasse, fut repris, Pingeon, furieux, lui administra une retentissante gifle. Le peloton en resta bouche bée.

La presse s'empara de l'affaire. Elle rappela que Raymond Delisle, rouage essentiel du système Peugeot, était tenu ordinairement pour un équipier loyal, et capable de tenter sa chance si besoin. N'avait-il pas déjà terminé deuxième de deux Tours du Morbihan (1965 et 1966), de deux Tours de Romandie (1966 et 1968), d'un Midi-Libre (1966), d'un Critérium National (1969) et d'un Bordeaux-Paris (1969) ? Sans omettre qu'au dernier mois de juin, juste avant le Tour, il s'était imposé dans le championnat de France, sur le circuit sélectif de Soissons... Bref, c'était ce gaillard, moulé dans son beau maillot bleu-blanc-rouge, qui avait été corrigé comme un gosse ! Écrire qu'il s'était senti humilié serait loin du compte. La vérité est qu'il refusa de diner à la table de Pingeon. Puis, seul dans sa chambre, il examina le tracé des deux étapes à venir : 18,500 kilomètres chronométrés le dimanche ; 199 kilomètres, les cols de Mente et du Portillon le lundi 14 juillet, jour de la fête nationale. Sa décision va sans dire : il prendra la Bastille !
Quelle journée ! Avisant un gamin, Raymond Delisle lui demande :
' Tu es du pays ?
— Oui, Monsieur.
— À la sortie de Castelnaudary, la route monte-t-elle ?
— Oui, Monsieur.
— Il y a une bonne côte ?
— Oui, Monsieur, elle est dure. '1
Puisqu'elle est dure, il précipite son attaque. Le voilà parti pour six heures d'offensive, six heures d'une délicieuse liesse. Dans villes et villages, les habitants l'encouragent. Car les radio-reporters, évidemment, saluent un geste cocardier et vengeur qui réhabilite une certaine idée de l'honneur. Delisle ? Un preux, un héros ! Et, pour finir, un champion intelligent, dont chacun répète le bon mot : ' Si Pingeon me redonner une gifle, je regagne demain '. Au pied du podium, la France pouffe. Elle n'oubliera pas de sitôt ce Normand cabochard.

On ne saurait toutefois réduire Raymond Delisle au 14 juillet. Des échappées, des succès, il en connut d'autres, même s'il faut admettre qu'il jouait plus souvent placé que vainqueur. Mais, parce qu'il avait disputé le Tour de l'Avenir 1968 derrière Gimondi, et parce qu'il avait débuté sous le maillot Peugeot aux côtés d'Eddy Merckx, il savait qu'un gouffre le séparerait toujours des meilleurs. Moyennant quoi, il opérait en franc-tireur, exploitant les circonstances de course. C'est ainsi que le 8 juillet 1976, celui qui était devenu un vieux briscard se trouva embarqué dans une aventure imprévue, mais qui le rendit fou de joie... Tout avait commencé par une fraiche accélération dans le col de Jau, pour préparer un contre de Bernard Thévenet. Mais le Bourguignon demeurait en retrait, marqué ou marquant Van Impe, Zoetemelk et Poulidor, les premiers au classement. Alors, Delisle fonça. La bouche grande ouverte, les épaules vaguement décentrées, une casquette verte sur le crâne, il prit trois, quatre, cinq, six, sept minutes aux favoris. À l'arrivée, sur le plateau de Pyrénées 2000, le maillot jaune, pour deux jours, était à lui.

L'épopée s'acheva d'une jolie façon, avec une quatrième place à Paris. C'était souligner parfaitement ses talents de puncheur.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

Raymond Delisle en bref

* Né le 11 mars 1943 à Ancteville.
* Professionnel de 1965 à 1976 chez Peugeot et en 1977 chez Miko-Mercier.
* 45 victoires pros dont : Championnat de France 1969 ; Tour de l'Hérault 1969 ; Polymultipliée 1969 et 1977 ; Course de côte du Puy-de-Dôme 1970 ; G.P. de Nice 1973 ; Gènes-Nice 1975 ; Tour du Haut-Var 1975 + une étape du Tour d'Espagne et deux étapes du Tour de France (maillot jaune durant deux jours en 1976).



1 Jacques Colin, Paroles de peloton, Solar, 2001, p. 124.



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