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Jean-Marie Corre, premier cycliste breton...

  

Il a couru à l’aube du cyclisme, quand la bicyclette commençait à tuer le cheval. Un dur au mal, historiquement le premier champion du cyclisme breton. Portrait de Jean-Marie Corre, qui affronta tour à tour Terront et Garin… 

  

À la vérité, que savons-nous de lui ? Ce que de rares documents veulent bien nous en dire : qu’il a lutté contre Charles Terront, l’invincible phénomène des premiers temps du cyclisme. Qu’il s’est ensuite opposé à Maurice Garin, premier vainqueur du Tour de France. Qu’il a relevé des défis insensés, confirmant la réputation qui était le sienne : un champion — et, tout compte fait, le premier champion qu’ait connu la Bretagne ! Bref, un personnage historique, à ceci près qu’il disparut de la mémoire collective, effacé à d’autres périodes par d’autres vedettes… Pourtant, quel bonhomme Jean-Marie Corre avait été ! Un dur au mal né le 21 mai 1864 sous le règne de Napoléon III à Tremel, dans les Côtes du Nord. Son père, prénommé lui-même Jean-Marie, était forgeron ; sa mère, Marie-Jeanne Héninquin, s’occupait du foyer. Devait-elle beaucoup faire avec ce petit garçon qui deviendrait un adolescent solide, puis un adulte râblé d’1 mètre 62 pour 62 kilos ? La chronique est muette sur ce point. Seule déduction : c’était une sorte d’enfant de la balle que le bicycle avait très vite touché. Quelle passionnante enquête il y aurait du reste à mener… Quand, et par qui, exactement, la vieille invention du baron Drais — la draisienne date de 1817 —, d’une certaine façon réinventée en 1861 par la pédale des Michaux, est entrée en Bretagne ? En 1874, à dix ans, Jean-Marie Corre avait-il déjà vu l’une de ces étonnantes machines ? Questions sans réponses, mais qui servent à camper le décor de la Bretagne d’alors, coupée de champs courts et de mauvais chemins. Bretagne secrète, profonde, rurale et marine, liée par un peuple en sabots… Jusqu’à ce jour où Jean-Marie, le père, habitué à réparer des roues de charrette, reçut dans les mains ces deux roues fines unies par un cadre métallique. Oh ! l’étrange mécanique, qu’il dut examiner longuement, admirant la souplesse du guidon et le génie des différents engrenages. La légende — fort probable — assure que le forgeron se mit aussitôt à l’ouvrage, fabriquant pour son fils cette merveille capable de relier Tremel à Saint-Brieuc plus rapidement qu’un cheval…


La suite s’écrit en pointillé. Il parait qu’ainsi équipé, le futur cador, représentant d’articles métallurgiques, courut de ville en ville. Il courut si bien qu’on ne le revit qu’en 1890 — mais curieusement habillé en sportsman, maillot et culotte serrés près du corps, pour s’essayer à la course de bicycles et bicyclettes de Pontrieux, le 20 juillet. Puis une deuxième compétition, le 20 octobre, lorsqu’il termina deuxième du championnat des Côtes du Nord disputé sur 4 000 mètres. De maigres réglages, en somme, puisqu’on le retrouverait, l’année suivante, au départ de ce qu’il faut regarder comme deux des principales aventures humaines de l’époque : l’inaugural Bordeaux-Paris, lancée le 23 mai — il finirait huitième —, puis l’épouvantable Paris-Brest-Paris, organisé à partir du 6 septembre sur 1 200 kilomètres ! La chose, l’incroyable chose, a tellement été racontée que l’on ira immédiatement au résultat : la victoire de Terront en 71 h et 22 mn, la quatrième place de Jean-Marie Corre en 95 h 31 mn. Mais ce dernier, désormais tout acquis à ce qu’il fallait appeler le « métier de coureur cycliste », annonça bientôt qu’il s’attaquerait à la « marque » de Terront. D’où une première tentative solitaire, le 23 juillet 1892, soldée par un échec. Puis un deuxième essai, le 6 septembre 1892, un an jour pour jour après l’élan fondateur. Cette fois, il vole, battant un à un les temps de passage pour arriver à Brest avec plus de trois heures d’avance sur son tableau de marche. Mais le retour s’avère difficile. Il flanche peu à peu et se résout à l’abandon en touchant Mortagne. Unique consolation, gigantesque aux yeux du public : il a établi le nouveau record des 1 000 kilomètres sur route en 58 h 35 mn et 56 sec ! 


Charles Terront, dieu vivant, ne peut en croire ses oreilles. À qui veut l’entendre, il explique que le Breton a triché, ayant beaucoup usé de « latire et lacorde »[1]. L’intéressé réagit crânement : il le provoque en duel. Un duel purement sportif mais homérique, tenu les 24, 25 et 26 février 1893, à Paris, sur le vélodrome de la Galerie des Machines. Joute folle, entre deux orgueilleux magnifiques pédalant sans répit, encouragés par une foule hystérique. Selon plusieurs comptes rendus, trente-trois mille spectateurs se bousculent pour suivre les derniers tours de piste. « J’ai vu des gens, pour pénétrer dans l’enceinte, se fouler avec autant de force qu’ils en auraient mis pour s’enfuir s’il y avait eu le feu ; j’ai vu donner un louis pour entrer sans attendre, parce qu’on ne rendait pas la monnaie ; j’ai vu les tourniquets pleins de pièces blanches jusqu’au bord et les employés obligés de mettre la recette dans des boites, des paniers et des sacs », témoignera Paul Meyan[2]. Le cyclisme est au plus haut. Et l’excellent Jean-Marie Corre, seulement battu de 9 kilomètres par un adversaire expérimenté, atteint au sommet de sa gloire. 


Il a donné le meilleur, sans qu’il le sache. Car la chance le fuit, à moins que ce ne soient ses forces, finalement insuffisantes pour le porter au premier rang des forçats de son sport… Toujours est-il qu’il sera défait deux fois sur la route, dans Bordeaux-Paris, d’abord par Louis Cottereau et Auguste Stéphane en 1893, ensuite par le Danois Charles Meyer en 1895. Et sur piste, sur la distance mythique des 1 000 kilomètres, il subit la loi d’Auguste Stéphane en janvier 1894, celle de Gaston Rivierre en décembre. En clair, un perdant, exécuté par Maurice Garin dans le froid glacial des 24 Heures des Arts Libéraux, le 3 février 1895. « Au début de la neuvième heure, Corre, qui souffre de furoncles, abandonne », rapporte Didier Rapaud[3]. Pour ses supporters, c’est le chant du cygne. 


Or, Jean-Marie Corre, habile, entreprenant et courageux — il créera sa propre usine de cycles, de tricycles et de voiturettes —, Jean-Marie Corre, le trop oublié, va se lancer dans une mission prophétique : boucler seul, à compter du 16 mai 1895, le Tour de France à bicyclette. 5 100 kilomètres au total, dûment enregistrés dans les villes-étapes par ce formidable novateur. 

Géo Lefèvre saurait s’en souvenir… 

  

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 

  

Jean-Marie Corre en bref 

 

Né le 21 mai 1864 à Tremel. Décédé le 18 septembre 1915 à Guingamp.

Coureur de 1890 à 1897, route et piste.

Principales performance : 8e de Bordeaux-Paris en 1891, 3e en 1893, 2e en 1894 ; 4e de Paris-Brest-Paris 1891 ; 8e de Morlaix-Brest-Morlaix 1891 ; 2e de Paris-Clermont-Ferrand 1892 ; 1er de Bâle-Strasbourg-Bâle ex æquo avec Lesna 1892 ; 3e des 24 Heures de Buffalo 1893.



[1] Vélo Sport, 15 octobre 1892.

[2] Georges Cadiou, Les Grandes heures du cyclisme breton, p. 26.

[3] Didier Rapaud, Maurice Garin, cet étonnant forçat de la piste, 2012, p. 56.



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