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Louison Bobet, l'orgueil d'une nation


Quinze ans durant, le monde eut les yeux braqués sur lui, et son nom symbolisa le meilleur de la France. Plus qu'un champion, triple vainqueur du Tour, il fut un exemple. Portrait de Louison Bobet, l'homme qui avait un courage terrible...


Combien de pages faudrait-il pour raconter Louison Bobet, non pas l'icône officielle, champion du monde à Solingen, en 1954, mais l'homme qu'il fut devant son miroir, lorsqu'il jetait bas tous les masques ? Mais, l'orgueilleux qu'il était, jaloux de son nom, sut-il jeter tous les masques ?... La question mérite d'être posée car, selon la très fine analyse de Pierre Chany, il ' aura vécu essentiellement en fonction d'autrui, animé par la projection que lui renvoyait la multitude. '(1) Heureusement, dès juillet 1948, la multitude vit dans ce garçon de vingt-trois ans un athlète sans pareil, racé, distingué, exemplaire - pour prendre une image, l'équivalent de ce que symbolisait Gérard Philippe au théâtre. D'où l'idée bientôt admise que Louison Bobet incarnait davantage qu'un cycliste, et même davantage qu'un vainqueur... D'ailleurs, quand il ne s'entrainait pas avec son application coutumière, les journaux le montraient en compagnie de ministres ou d'écrivains, et souvent auprès d'artistes de cinéma. ' Vous avez la chance de serrer la main de Louison Bobet ', aurait-il ainsi répondu à Orson Welles venu l'encourager (2). C'était maladroit et puissamment égocentrique. Bobet, comme la plupart des vedettes, était égocentrique.

' Il était fier, et jusqu'à la fatuité ', ajoutera Pierre Chany (3). Trait mordant, mais juste : à cette période, ébloui par sa propre gloire, ce fils de boulanger poussait sa voix flûtée sur une note trop haute. Puis, l'habitude aidant, il trouva le ton opportun, si bien que chacun jugea naturel que ce trentenaire estimé pilotât lui-même son avion pour se rendre sur les courses. Qu'on se figure la scène : Louison Bobet levant le cockpit, puis descendant valise et vélo avant d'apparaitre dans un hall, imposant par sa seule présence l'enthousiasme et le respect. Oui, une scène superbe, cent fois jouée au bonheur de ses admiratrices. C'est peu dire que des femmes auraient fait des folies pour lui...

Et puis, il y avait le coureur, exceptionnel ! Jacques Augendre le salue d'une formule : ' À son meilleur niveau, il lâchait Charly Gaul dans les cols, gagnait le Grand Prix des Nations contre-la-montre et battait Rik Van Steenbergen au sprint. ' (4). De fait, l'ancien mitron de Saint-Méen-le-Grand rayonnait partout, à commencer dans les courses par étapes où sa courageuse endurance écœurait ses meilleurs contemporains. Parce que tout ramène à l'implacable constat : Louison Bobet avait un courage terrible ! Pour atteindre les sommets, il s'astreignait à n'importe quel sacrifice - ' Il aurait abrégé sa vie de dix ans pour gagner ', résume Pierre Chany (5). Moyennant quoi, en 1953, année de la première de ses trois victoires consécutives dans le Tour de France, il passa en tête la Casse Déserte, imitant l'inimitable Coppi. En 1954, toujours dans l'Izoard, il devança un débutant de génie : Federico Bahamontès. En 1955, il domina Gaul, la soif et le Ventoux pour dorer son maillot arc-en-ciel d'un éclat supérieur. Subjugué, Antoine Blondin glorifia aussitôt, dans les colonnes de l'Équipe, une ' lumière patiemment appelée sur sa personne et où l'univers se reflète. ' (6) Il n'en fallait pas moins pour apaiser Bobet.

À ce moment de sa carrière, qu'avait-il obtenu ? Un circuit de l'Ouest, deux championnats de France, un Milan-San Remo, un Tour de Lombardie, deux fois le Critérium National, un challenge Desgrange-Colombo, un Paris-Côte d'Azur, un Grand Prix des Nations, un championnat du monde, un Tour des Flandres, un Dauphiné-Libéré, un Tour du Luxembourg, trois Tours de France : difficile d'envisager mieux dans une époque qui demeure (avec les années trente) la plus riche du cyclisme. Seulement, Louison Bobet, lui, rêvait à de nouveaux triomphes, en particulier au Tour d'Italie, qu'aucun Français n'avait inscrit à son palmarès... En 1957, il s'y engagea avec une énergie totale. Il conquit le maillot rose, remporta l'étape de Sion et fit face deux semaines durant, malgré une incessante guérilla. Que lui manqua-t-il pour résister à Nencini, son dernier adversaire ? Dix-neuf minuscules secondes. Il les regretta toute sa vie.
Cruelle désillusion, qui fit couler beaucoup d'encre - mais sans que la vérité fût une seule fois approchée... Car personne n'osa écrire que ce Breton passionnément aimé des Français était, dans le secret du peloton, un leader médiocrement apprécié. Que lui reprochait-on ? Quelques ladreries, sa hauteur, des façons qui n'en sont pas... Mais, pour un Charly Gaul qui avait de solides raisons de le haïr, combien d'autres, en chaque chose inférieurs, lui tenaient simplement rigueur de s'élever au-dessus du commun, de choisir ses mots, ses fréquentations et, finalement, son destin ?

Tout bien pesé, Louison Bobet eut une grande chance - jamais évoquée sous cet angle, elle non plus : son frère, Jean, routier talentueux et pamphlétaire redouté, qui protégea sa mémoire. Sans lui, les langues se seraient déliées ; et l'on aurait compris que Louison Bobet dut souvent combattre des oppositions larvées. Or, il quitta le sport nanti d'un palmarès d'exception (le parallèle avec Poulidor serait lumineux...). C'était vraiment un immense champion.

Reste l'homme, blanc, noir ou gris suivant les jours, comme toujours quand on parle des hommes. Sauf que celui-ci s'appelait Bobet, et qu'il fut, avec justice, l'orgueil d'une nation.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Bobet en bref

* Né le 12 mars 1925 à Saint-Méen-le-Grand. Décédé le 13 mars 1983 à Biarritz.
* Se révèle en 1946, en remportant le championnat de France des indépendants. Après sa carrière, il deviendra un homme d'affaires important, refondateur de la thalassothérapie en France.
* Principales victoires : champ. de France 1950, 1951, Milan-San Remo 1951, Tour de Lombardie 1951, un Paris-Côte d'Azur 1952, Grand Prix des Nations 1952, Tour de France 1953, 1954, 1955 ; championnat du monde 1954 ; Tour des Flandres 1955 ; Paris-Roubaix 1956 ; Bordeaux-Paris 1959.



1. L'Équipe, 15 mars 1983.
2. Anecdote rapportée par Maurice Vidal à l'auteur.
3. In Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Éd. Cristel, 1996, p. 114.
4. In Jacques Augendre, la mémoire du Tour de France, Éd. Cristel, 2001, pp. 130-131.
5. In Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, op. cit., p. 119.



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