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Berland, en fonction de ses dons


Il eut le rare bonheur d’endosser trois maillots tricolores, un chez les amateurs et deux chez les professionnels. Il servit Anquetil puis épaula Hinault. Portrait d’un chouan increvable qui s’appelait Roland Berland…
 
Voilà un homme qui fit longtemps l’objet d’un malentendu. On veut dire que le public imaginait un coursier solide mais effacé, dont le palmarès se résumait, par une chance incroyable, à deux titres de champion de France professionnel ! Un titre après lequel Jacques Anquetil, jadis son leader, avait couru toute sa vie ! Bref, à sa manière, Roland Berland était un veinard, considération importante dans un métier où les superstitions restent nombreuses… D’où l’estime que ses pairs lui portaient, persuadés que ce natif du pays chouan avait discrètement mis les dieux de son côté. N’était-il pas respecté aussi pour son entregent, son sens du placement, sa fine lecture de la course ? Et puis, un sacré travailleur, qui continuait de s’entrainer bravement à trente-cinq ans sonnés… Sans oublier son naturel de bon camarade, qui gardait en permanence une chambre prête pour ses équipiers de passage… En somme, un personnage habile, mais secret, donc complexe, qui méritait davantage qu’un portrait vite troussé. C’est ce que devina Jean-Marie Leblanc, au mitan de sa carrière de journaliste, lorsqu’il montra dans les colonnes de Vélo Magazine un interlocuteur qui « aurait presque l’air d’un intellectuel progressiste s’il avait les cheveux plus en désordre et la mise moins sportive. »[1] Et d’expliquer que Roland Berland était de longue date un « homme d’action » n’ayant eu de cesse d’optimiser son destin en fonction de ses dons. Or, sans être négligeables, les siens n’étaient évidemment pas ceux d’Anquetil auprès duquel il avait débuté chez les rémunérés. Ils n’étaient pas non plus ceux d’un Poulidor, d’un Aimar, d’un Pingeon. Non, ils étaient ceux d’un gamin élevé au grand air, dans une ferme de Vendée, et suffisamment à l’aise sur deux roues pour obtenir une petite renommée. C’est simple : il avait la réputation d’être particulièrement « vite », ce qui lui permettrait de décrocher, en 1966, à vingt et un an, la version amateur de Paris-Tours, ainsi que la deuxième étape du Tour du Morbihan, celui-ci disputé face aux pros ! Puis il devait épater encore l’année suivante en remportant, à Plumelec, le championnat de France des amateurs hors-catégorie. Le professionnalisme lui tendait les bras…
Que choisir ? Peugeot, maison consacrée, avec des salaires tombant dru ? Ou bien l’équipe Bic, où Raphael Geminiani proposait un salaire divisé par deux mais une aventure multipliée par dix ? À la surprise générale, Roland Berland opta pour cette deuxième solution, laissant ainsi entendre qu’il n’était pas un jeune homme lisse, mais un ambitieux capable d’investir à long terme… Pour autant, point de miracle ; et dans une époque brusquement bouleversée par l’avènement d’Eddy Merckx, il comprit rapidement qu’il devrait, non pas se contenter des miettes, mais se nourrir de la gloire des autres… Alors commencèrent, ensemble mêlées, des saisons pleines et mouvantes, au service de vedettes appelées Aimar, Janssen, Ocaña, Mortensen, Agostinho ou Hinault. Quels souvenirs en conserverait-il ? D’abord l’image exemplaire du Néerlandais Jan Janssen, champion rigoureux, éduqué, performant, magnifique. Puis celle d’un Breton frondeur, né à Yffiniac en novembre 1954. « Jamais vu un type comme ça. Il peut se fâcher et larguer n’importe qui, n’importe où, à l’entrainement », commenterait-il[2]. Chacun aura reconnu Bernard Hinault, devenu son chef de file en 1977, lorsque Roland Berland rejoignit la formation Gitane. Sont-ce les années d’expérience ? ou leur goût commun pour le monde agricole ? Toujours est-il qu’une réelle sympathie rapprocha le coureur breton du coureur vendéen — et peut-être même une admiration réciproque, Roland Berland portant sur son maillot le liseré tricolore des anciens champions de France… Car Berland avait fait mouche ! En 1972, sur le difficile circuit de Censeaux, il avait mystifié Bernard Guyot et Michel Perrin, confirmant de la sorte, après son titre amateur, et après une sixième place en 1970, une quatrième en 1971, qu’il était l’homme du rendez-vous national. « C’est psychologique », affirmait-il[3]. Pour le moins, c’était bien vu. Ce titre, tel un magot, le Vendéen le ferait lentement fructifier.
Les années passaient et Roland Berland poursuivait, ses fines lunettes sur le nez. Plusieurs fois, il avait pensé raccrocher — mais, avec sa prescience des choses du cyclisme, il sentait que ses vieilles jambes n’avaient pas encore tout donné… C’était au point qu’en juin 1979, au matin du championnat de France organisé à Plumelec, ce grognard au trente-quatre printemps réclama à son mécanicien « des pédales légères et un jeu de direction neuf, car il faudra que je puisse lâcher les deux mains du guidon pour lever les bras quand je franchirai la ligne en vainqueur. »[4] En clair, Berland, parfaitement rodé par le Grand Prix du Midi-Libre et le Tour de l’Aude, ne doutait pas de tenir la forme de sa vie ! Aussi lança-t-il l’offensive dès le douzième kilomètre, convaincu que la rude côte de Cadoudal (la même qu’en 1967), à grimper dix-huit fois, servirait ses desseins. Guimard, son directeur sportif, ne fut pas dupe : non seulement il encouragea cette audace, mais, dans les deux dernières heures de course, après un énième regroupement, il misa tout sur lui, le laissant mener à terme une échappée solitaire de soixante-six kilomètres. Parce que Roland Berland ne faisait jamais rien à moitié : 1 mn 38 sec d’avance avec la bénédiction de Bernard Hinault, joyeux second ! Il put lâcher les deux mains.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Berland en bref
 
  • Né le 26 février 1945 à Saint-Laurent-de-la-Salle.
  • Professionnel chez Bic (1968 à 1974), Super Ser (1975 et 1976), Gitane (1977), Renault (1978 à 1980).
    Principales victoires : Championnat de France 1972 et 1979 ; Poly Béarnaise 1970 ; 1re étape du Grand Prix d’Eibar 1970 ; Paris-Bourges 1973 ; 1re étape B du Tour du Tarn 1977 ; 2e étape du Tour de Corse 1978. 


[1] In Vélo Magazine, février 1980.
[2]Ibid.
[3]Ibid.
[4] Pierre Chany, L’Année du cyclisme 1979, Calmann-Lévy, p. 142.



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