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Richard Virenque, pendant quatorze ans...


 
Les livres retiendront qu’il fut sept fois sacré meilleur grimpeur du Tour de France. Mais c’était au début du délire télévisuel, dans une société vide de sens. Portrait de Richard Virenque, champion à la mauvaise époque… 
  
Une chose doit être acquise : celle-là, il ne l’avait pas volée ! On veut dire que sa victoire dans Paris-Tours 2001, survenant après douze mois de suspension pour dopage, pouvait incarner un rêve de justice immanente. Comme si les dieux avaient décidé que Richard Virenque, pour avoir non pas trop payé, mais pour avoir payé seul, méritait une compensation officielle. D’où cette journée inoubliable qui le vit partir, lui, vieux grimpeur, à l’assaut d’une classique dévolue aux sprinters. À ses côtés, pour forcer le destin, un authentique battant, Jacky Durand, lequel avait traversé les pires saisons du cyclisme sans avoir été beaucoup inquiété. Jugeait-il, lui aussi, que son compagnon avait le droit de redresser la tête ? Toujours est-il qu’il s’escrima pendant sept heures, apportant à Richard Virenque son expérience des longues échappées. Ah ! le magnifique spectacle, applaudi de ville en ville par des foules enthousiastes, qui sentaient confusément qu’elles vivaient un moment historique… Imagine-t-on ? Deux fuyards contre une meute, contre des chiens. Sans doute parce qu’il n’avait pas la conscience très propre, le peloton, constitué pour l’essentiel d’anciens dopés, s’était mis en chasse lentement. Puis, le naturel revenant au galop, il avait poussé les feux, menaçant les attaquants dans la tension d’un final extrêmement palpitant. Héroïque, Jacky Durand choisit de tomber les armes à la main, au terme d’un ultime et formidable relais. Alors, Richard Virenque relança l’allure. À cinq cents mètres de la ligne, sur l’avenue de Grammont où Eddy Merckx avait jadis échoué, il conservait une légère avance. Il lutta encore, souffrant au-delà de ce qu’il croyait possible. Puis, subitement, il hurla, exorcisé.
Quel triomphe ! À l’évidence, l’un des plus sensationnels et des plus émouvants —l’on pensait soudainement au preux Joop Zoetemelk sacré champion du monde en 1985, ou au jeune Lance Armstrong, lauréat d’étape à Limoges dans le Tour de France 1995, trois jours après le décès de son équipier Fabio Casartelli. Cette année-là, soit dit en passant, quelques imbéciles avaient tancé Richard Virenque parce qu’il avait levé orgueilleusement les bras à Cauterets : un mauvais procès ; jeté tout entier dans une énième offensive, le Français ignorait le drame qui s’était noué à l’arrière. En revanche, combien était passionnant de relire l’interview qu’il avait accordée à Philippe Le Gars, dans L’Équipe du 30 juin. « Je fais partie du nombre restreint de coureurs qui oseront attaquer Indurain », y annonçait-il crânement.[1] Et cet impétueux de préciser, dans une époque qui s’abandonnait au délire télévisuel d’une société vide de sens : « J’ai surtout compris [en 1992] qu’il y avait une bonne étoile au-dessus de moi, et que le Tour de France serait ma course… Mon caractère, c’est de vouloir toujours plus que je n’ai. Dans la vie comme sur le vélo… Je veux être reconnu et marquer mon passage… Pour moi, il n’y a pas de secret, pour réussir il faut avoir soif de gloire et d’argent… De toute façon, il suffit qu’on parle de moi pour que je sois heureux… »[2] Puis, avec une cohérence dont il ne soupçonnait pas la pauvreté, il devait ajouter, en août 1996, qu’il n’était « pas le genre de personne qui se met dans un coin quand il a cinq minutes pour ouvrir un livre » — d’ailleurs, il n’en avait « jamais » lu[3]. Non, sa principale affaire, encore et toujours, restait le Tour de France, mythe centenaire qui l’avait rendu exceptionnellement populaire. N’y avait-il pas signé son premier exploit, deux cent trente-cinq kilomètres d’échappée entre San Sebastian et Pau ? C’était le 6 juillet 1992 ; il avait vingt-deux ans et découvrait la grande fête de l’été. Deuxième de l’étape, il s’était emparé du maillot jaune, revêtant également le maillot vert et le maillot à pois. « Le plus beau jour de ma vie », hoquetait-il devant la nuée de micros. Le soir, ce grimpeur d’1 mètre 79, qui se faisait gloire de rouler déjà en Porsche, dresserait cet implacable constat : « Le cyclisme m’a d’abord permis de vivre convenablement, je crois que je n’aurais jamais pu bosser pour cinq mille balles par mois. »[4]
Bref ! quel qu’en fût le prix, il voulait devenir riche et célèbre, sans songer qu’un autre rêveur, mais d’une autre trempe, lui soufflait à l’oreille : « C’est un peu court, jeune homme ! »[5] Mais, obsédé par sa quête, Richard Virenque n’entendait rien, sinon les encouragements du public passionné par ce coureur à panache, capable d’enlever le Grand Prix de la montagne en 1994, 1995, 1996 puis en 1997, lorsqu’il termina deuxième du Tour de France, uniquement devancé par Jan Ullrich. Et certainement aurait-il poursuivi en 1998 si l’on n’avait appris, par la police, que lui-même et les siens se dopaient chaque semaine, truquant de multiples palmarès… La suite fut pathétique : la suspension, l’infamie publique, sans compter l’insondable lâcheté du milieu, trop heureux de changer un indéniable coupable en bouc émissaire. Néanmoins, avec une constance remarquée, Richard Virenque se remit en selle, et en lumière… Revenu dans le Tour de France en 2002, il s’imposa, épuisé, au sommet du Ventoux. En 2003, il renoua non seulement avec la victoire d’étape mais aussi avec maillot jaune et le maillot des grimpeurs. En 2004, pour sceller ses adieux au cyclisme, après quatorze années de carrière, il décrocha une septième étape et un septième Grand Prix de la montagne. En somme, un bilan prestigieux, du moins pour qui ne s’embarrasse pas de nuances. Pour qui voudrait y regarder de plus près, on rappellera le mot de Roxane (celle de « la généreuse imposture »[6]) :
 
                   « Et pendant quatorze ans, il a joué ce rôle
D’être le vieil ami qui vient pour être drôle. »[7]
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Virenque en bref 

  • Né le 19 novembre 1969 à Casablanca.
  • Professionnel chez RMO (1991 et 1992), Festina (1993 à 1998), Polti (1999 et 2000), Domo (2001 et 2002), Quickstep (2003 et 2004).
  • Principales victoires : Trophée des Grimpeurs 1994 ; Tour du Piémont 1996 ; Paris-Tours 2001 ; sept étapes au Tour de France (en 1994, 1995, 1997, 2000, 2002, 2003, 2004), une étape au Tour d’Italie (1999) ; sept fois lauréat du Grand Prix de la montagne au Tour de France (en 1994, 1995, 1996, 1997, 1999, 2003, 2004).



[1]L’Équipe du 30 juin 1995.
[2]Ibid.
[3]L’Équipe Magazine du 24 août 1996.
[4]L’Équipe du 7 juillet 1992.
[5] Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, Acte I, scène 4.
[6]Ibid., Acte V, scène 5.
[7]Ibid.



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