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Michel Rousseau, de prodige en prodige


En un temps où la piste multipliait encore les vedettes, il domina comme personne, devenant coup sur coup champion du monde et champion olympique. Portrait de Michel Rousseau, le sprinter, qu'on appelait jadis ' le costaud de Vaugirard '...

Dieu qu'il fallait être fort pour gagner ce que Michel Rousseau a gagné dans sa vie : des prix internationaux, des championnats de France, des championnats du monde et ce que l'on regarde tel un nec plus ultra : le sacre olympique, obtenu en deux manches face à l'Italien Guglielmo Pesenti, le 5 décembre 1956, alors qu'il avait moins d'une saison de vitesse dans les jambes ! Sur le coup, les observateurs se frottèrent les yeux... Avaient-ils bien vu ? Car, enfin, ce jeune homme ne s'était fait connaitre que le 1er mars, sur l'anneau du Vel' d'Hiv, en remportant la finale de la célèbre Médaille. Ensuite, l'incroyable, le prodige... Enchainant sprint après sprint, il s'était imposé dans le Grand Prix de Paris, puis il avait dominé le championnat du monde amateur, ' jongla[nt] littéralement avec Batiz, Tressider et Pesenti ', écrirait François Terbeen1 ! Dans ces conditions, autant prévenir que sa nouvelle victoire, à Melbourne, contre le même Pesenti, en faisait un héros. C'est simple : à part le titre national, il avait tout raflé ! Mais, ce titre, il se l'offrirait dès l'année suivante, en vitesse individuelle et en vitesse Sociétés ! Un prodige, oui ! comme rarement le cyclisme en avait admiré.

Oh, quel phénomène ! Quel personnage ! Au physique, cent soixante-treize centimètres, quatre-vingt-un kilos, un front de bélier, un cou de taureau, le torse d'Hercule et des cuisses en acier. Sans parler d'une gouaille qui le rendait populaire dans les bistrots de Paris... Parce que Michel Rousseau tenait à le souligner : né sous le signe du verseau, le 5 février 1936, il incarnait l'authentique ' titi parisien ', c'est-à-dire le garçon débrouillard, jamais avare de bons mots. On rapportait d'ailleurs qu'en recevant sa médaille olympique, il avait remercié le duc d'Edimbourg d'un tonitruant : ' Duc, la France vous salue ! ' Vrai ? Faux ? Il semblerait plutôt que la formule ait été inventée par Louis Daugé, futur président de la Fédération française de cyclisme, qui cherchait un moyen supplémentaire de faire mousser sa vedette. Quoi qu'il en fût, Rousseau plaisait au public. On lui prédisait un avenir formidable.

Les journalistes lui avaient fourni un surnom : ' le costaud de Vaugirard '. Eh bien, ce costaud n'en finissait pas d'étourdir, arrachant un second titre mondial amateur en 1957, malgré un séjour de huit mois en Algérie pour régler sa situation militaire. Au retour, devenu professionnel, il assura tranquillement qu'il entendait poursuivre au même rythme. Sa priorité ? Un troisième maillot arc-en-ciel, pour l'unique raison que le tournoi se disputerait au Parc des Princes, devant ses amis... Moyennant quoi, le jour J, Michel Rousseau débarqua sur la piste comme dans sa propre cuisine, causant et riant avec tous, mais fessant le déjà prestigieux Maspes en deux manches, lors des demi-finales. Puis, toujours causant, toujours riant, il écœura Enzo Sacchi en finale, le battant lui aussi en deux manches, après avoir dégusté une compote de pommes. ' C'est marrant, expliqua-t-il, j'ai l'impression de me trouver en vacances, au milieu de tout ce monde qui s'agite autour de moi. Tenez ! Regardez le ' père Louis ' (Gérardin)... On dirait qu'il a reçu une décharge de cent mille volts dans le baigneur, tellement il se démène... '2

Michel Rousseau ne doutait pas. C'était sa force. Il la concrétisait en menant un faux train jusqu'aux derniers deux cents mètres, puis en bandant ses muscles pour un démarrage ahurissant. Évidemment, Antonio Maspes, athlète subtil, trouva la parade : il obligea le Français à se découvrir plus tôt. Ainsi put-il prendre sa revanche à Amsterdam, en 1959, au terme d'un match conduit de main de maitre... On rêva d'une belle en 1960 ; elle n'eut lieu qu'en 1961, dans un vélodrome de Zurich archi-comble. La presse avait parfaitement présenté l'enjeu : une troisième finale mondiale, autant pour départager deux styles que deux hommes différents. Selon le témoignage d'anciens compétiteurs, l'Italien, inquiet, voulut d'abord acheter la course - mais Rousseau le cingla sur le champ : ' Monsieur, répondit-il à peu près, vous vous trompez d'adresse. Je suis incorruptible '. Et, pour montrer qu'il n'aimait pas ces façons, il imposa derechef au ténor milanais un périlleux sur-place, comprenez un supplice ! Qui céderait ? Les spectateurs retenaient leur souffle, tandis que le premier quart d'heure s'écoulait. Un autre quart d'heure s'égrena, et même un troisième : les duellistes ne bougeaient toujours pas ! Puis, subitement, Michel Rousseau, les nerfs usés, lança le sprint. C'était signer sa défaite, mais laver son honneur.

À la vérité, ce fut son chant du cygne. Sans que l'on sût vraiment pourquoi, le Parisien cessa en effet de gagner, hormis un quatrième titre national en 1962, un cinquième en 1967. Pour le reste, beaucoup d'échecs et une curieuse apathie - d'après l'intéressé, les médecins diagnostiqueraient une maladie rare : ' des parasites nommés 'Proteus Mirabilis' qui envahissent l'arbre urinaire3 '. S'ajoutait, depuis 1959, la fermeture du Vel' d'Hiv, qui l'avait privé de son public et privé de contrats. Pendant ce temps, Maspes, lui, multipliait les triomphes au Vigorelli... Les dés étaient pipés.

Jugé tel un météore, Michel Rousseau se retira sur la pointe des pieds, désabusé certes, mais suffisamment solide encore pour rouler sa bosse. Dans les années soixante-dix, il dirigea une auto-école à Paris ; il s'en alla ensuite chercher fortune en Afrique du sud, en Australie et dans les deux Amériques. Aux ultimes nouvelles, il souhaitait chaperonner un sprinter talentueux, qu'il pourrait conseiller. Non pas qu'il fût nostalgique. Mais il en avait tant vu, et il en avait tant fait...

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.



Rousseau en bref

* Né le 5 février 1936 à Paris
* Pistard de 1956 à 1967.
* Principales victoires en vitesse. Chez les amateurs : Jeux olympiques 1956 ; champ. du monde 1956 et 1957 ; champ. de France 1957 ; finale de la Médaille 1956 ; G. P. de Paris 1956. Chez les professionnels : champ. du monde 1958 ; champ. de France 1959, 1960, 1961, 1962, 1967.
* 2e du champ. du monde en 1959 et 1961.



1 François Terbeen, Dans la roue des champions, PAC, 1978, p. 31.
2 Ibid.
3 In Miroir du cyclisme n° 440, février 1991.



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