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Robert Oubron, le champion pédagogue...


 
Il fut le meilleur cyclo-crossman du monde. Mais c’était pendant la Deuxième Guerre mondiale, au tragique goût d’amertume. Portrait de Robert Oubron, qui était fort et qui était sage …
 
Quelle carrière ! Pour la comprendre, il faut imaginer un collier de perles rares qui, subitement, verrait son fil se briser, et s’éparpillerait sur le sol. La suite se devine : nous voici à genoux, les doigts malhabiles, essayant de réunir des pièces à première vue homogènes, mais dont on sent bien vite qu’elles sont profondément dissemblables. Comment lier, en effet, un parcours entamé à vingt ans sur la route — c’était chez les amateurs, en 1933, lorsqu’il remporta la classique Paris-Mers — et terminé sur la piste, en 1950 ? Comment joindre d’authentiques réussites dans les cols à ses nombreuses victoires de cyclo-crossman ? Car c’est d’abord cela que représente Robert Oubron dans la mémoire collective : un virtuose du cyclo-cross, qui devrait compter quatre titres mondiaux à son palmarès. Seul problème : le championnat du monde de la spécialité n’existait pas ; il n’a été officiellement créé qu’en 1950, à Paris. Mais ce point quasi technocratique demeure sans véritable importance, l’intéressé ayant vaincu toutes les vedettes à l’occasion du Critérium international, jadis principal rendez-vous annuel des coureurs de sous-bois. « Il domina grâce à son adresse, à son sérieux et sa débrouillardise »,  résuma Pierre Chany[1]. Pour considérer les choses plus en détail, rappelons que Robert Oubron s’imposa en 1937 devant le Belge Vermassen et l’Italien Franzil, en 1938 devant le Suisse Hartmann et le Belge Kneepkens, en 1941 devant les Français Brulé et Piot, en 1942 devant le même Piot et son compatriote Peuziat. Bref, au sens propre comme au sens figuré, le Parisien, né à Goussainville en 1913, avait durablement creusé son sillon, prouvant ainsi qu’il voulait faire école. Parce que l’on soupçonnait chez lui une incontestable dimension pédagogique — son côté entraineur, déjà… Aussi dut-il beaucoup se réjouir quand Jean Robic, puis Roger Rondeaux, puis André Dufraisse, marchèrent sur ses brisées. Depuis longtemps, il souhaitait de transmettre le flambeau.
Il n’était pas jaloux, jugeant qu’il avait eu sa part. N’avait-il pas bouclé deux Tours de France, le premier en 1937, le second douze mois plus tard ? Pour un homme venu au cyclisme par passion, et qui se définissait tel un aimable touche à tout, cette double aventure le confortait dans l’idée qu’il aurait pu également s’épanouir sur les routes… Hélas, la guerre ne lui permit pas de confirmer sa série de performances, dont une victoire d’étape dans le Grand Prix Wolber et dans le Tour de l’Ouest en 1937, et de multiples places d’honneur. Contraint de renoncer aux grands cols, il revint au cyclo-cross, raflant le titre national en 1941, 1942, 1943, 1944 et 1946. Autre moment de bonheur : sa victoire, en 1942, dans l’incroyable cyclo-cross de Montmartre disputé devant cent mille spectateurs ! Une danse folle, épuisante, dangereuse, rythmée par d’incessantes montées et descentes d’escaliers. Mille trois cents marches au total ; et lui, impérial dans son maillot Mercier à pois blancs, faisant course en tête depuis le deuxième tour. On pourrait évoquer ensuite ses deux succès dans le réputé cyclo-cross de L’Auto, en 1942 et 1943, ou dans Versailles-Paris 1943 et 1944 : une épreuve hors norme, mais digne de l’époque, qui démarrait au pied du château de Versailles pour s’achever sur le bois du Vel’ d’Hiv’, parmi un public enthousiaste. L’Ina montre encore ces images particulières, qu’on dirait expurgées du poids de l’Occupation. Pas un Allemand à l’écran ; que des Français applaudissant bruyamment cet athlète équilibré, au visage taillé à la serpe, que les commentateurs surnommaient « Oubron l’imbattable »[2]. Sans doute le Parisien aurait-il préféré un contexte différent. On ne choisit pas toujours son destin.
Les chiffres l’attestent : Robert Oubron atteignit son zenith sous la botte, alors que chaque mot et chaque geste se chargeaient d’une valeur symbolique. Aussi convient-il de prendre en compte que ce champion fit souvent jouer La Marseillaise, et que ses exploits répétés exaltèrent l’antique âme française, nourrie de colère et de gloire. Et puis, comment ne pas voir — autre symbole —, dans ce Robert Oubron triomphant en 1944 sur les planches du Vel’ d’Hiv’, la silhouette du Oubron qui vieillirait dans la tenue d’un pistard, jusqu’à finir deuxième des Six-Jours de Munich 1949 avec Gilbert Doré et cinquième, l’année suivante, des Six-Jours de Berlin, avec Roger Le Nizerhy ! Sans oublier qu’il s’était essayé au demi-fond, où son habileté naturelle lui permettait de trouver le meilleur abri. D’ailleurs (ce n’est pas qu’un détail), il aima tellement la formidable pétarade des dernys que, sitôt sa carrière terminée, au printemps 1951, il se lança dans la fabrication et la commercialisation de cyclomoteurs à son nom : des engins étonnants, hybrides, à la vérité très novateurs, puisqu’ils associaient des cadres en tôle aboutie, à suspension arrière réglable et fourche télescopique, avec des moteurs de 70 ou 75 cm3. Un homme de sa trempe, formé à toutes les disciplines, aurait dû inventer le VTT !
Reste que l’industrie n’était pas sa voie. Manquant de capitaux face aux géants de la profession, il se reconvertit définitivement comme directeur technique national, s’occupant durant trois décennies des meilleurs amateurs, filles et garçons, d’abord au sein de la Fédération française de cyclisme puis à la Fédération handisport. Sa méthode ? La sagesse, la patience. « On doit laisser leur chance aux jeunes. On n’a pas le droit de les démolir », soufflait-il.[3]
Un cancer l’a emporté le 7 février 1989.
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 
 
Robert Oubron en bref
 
  • Né le 18 avril 1913 à Goussainville. Décédé le 7 février 1989 à Paris.
  • Professionnel de 1934 à 1940.
  • Principales victoires. Cyclo-cross : Critérium international 1937, 1938, 1941 et 1942 ; championnat de France 1941, 1942, 1943, 1944 et 1946 ; championnat de Paris 1941, 1942, 1943, 1944 et 1945 ; cyclo-cross de Montmartre 1942 ; Paris-Versailles 1943 et 1944. Sur route : Tour de Corrèze 1939 ; Tour du lac de Genève derrière moto 1946 et 1947. Vainqueur de deux étapes dans le Tour de l’Ouest (1937 et 1939) et d’une étape dans le Grand Prix Wolber (1937).



[1]InLa Fabuleuse histoire du cyclisme, ODIL, 1975, p. 883.
[2] Ina. France Actualités du 14 janvier 1944.
[3]In Crios Infos, février 2002.



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