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Francis Moreau, si timide et si grand


Il a été champion de France, champion du monde et champion olympique. Il a aussi gagné des contre-la-montre et un Paris-Bruxelles de légende. Portrait de Francis Moreau, solide et discret rouleur picard...


Dès qu'il débarqua sur la Côte d'Azur, en 1989, moulé dans un maillot Fagor, les observateurs comprirent à quel personnage ils auraient à faire : un tendre, un dur. Le tendre, c'était l'homme, Picard longiligne et emprunté, tellement timide qu'il fuyait regards et micros. Le dur, ce serait l'athlète, une bête puissante d'un mètre 87, qui avait tiré les plus beaux ' bouts droits ' du calendrier amateur. C'est simple : à vingt-trois ans, il comptait des références sur route et sur piste, dans les championnats de France du contre-la-montre par équipes (deuxième en 1987), dans le championnat de France de poursuite individuelle (troisième en 1988), dans le championnat de France de poursuite par équipes (vainqueur en 1988). Bref ! un rouleur formidable, qui avait eu le génie de surprendre les meilleurs Soviétiques et les professionnels en ouverture du Circuit de la Sarthe 1987. Qu'on imagine sa joie - mais qu'on devine aussi sa secrète inquiétude... Lui, le modeste, n'avait-il pas outrepassé ses droits ? La question ferait sourire pour un autre ; face à Francis Moreau, élevé dans une cité HLM de Saint-Quentin, elle rappelait sourdement que toute vie n'est pas rose. En l'espèce, un père gravement malade, huit enfants à nourrir et une mère qui fait des ménages, histoire que son ' grand ' ait des boyaux neufs le dimanche... Force est d'avouer qu'il était effectivement bien équipé : José Catieau, l'ancien maillot jaune, l'avait embauché comme mécanicien dans son commerce de cycles ! Mais, boyaux neufs ou non, cette sorte de colosse restait incurablement sauvage, persuadé, sans le dire, qu'il était trop humble, sinon trop inculte, pour mériter la lumière. D'où son inénarrable carrière, frappée d'exploits gigantesques et d'interminables silences. En 1992, Cyrille Guimard s'en plaignit, regrettant que son palmarès routier (étapes dans Paris-Nice, la Semaine Catalane, le Midi-Libre, le Tour de l'Oise, le Critérium international) ne fût pas à la hauteur de ce corps1. Pour unique réponse, Francis Moreau baissa davantage la tête. Son dévouement n'allait pas jusqu'à forcer sa nature.

Car dévoué, il l'était. Il l'était pour Stephen Roche, son leader chez Fagor, Histor puis Tonton Tapis ; il l'était pour Mario Cipollini en 1992, et pour ceux qui défendirent les couleurs du Gan, de 1993 à 1996. D'ailleurs, de 1993 date ce réflexe qui le peint tout entier : dans un Paris-Roubaix tendu, brûlant, il abandonna sa roue au vieux Duclos-Lassalle, lui permettant ainsi de réussir le doublé. Or, à cette époque, Francis Moreau était lui-même devenu un champion ! N'avait-il pas arraché, à deux reprises, le record mondial des 5 kilomètres, la première fois en 1990, la seconde le 17 août 1991, avec un temps de 5 mn 40 sec 617 ? Et n'avait-il pas, toujours en 1991, endossé un fabuleux arc-en-ciel, après avoir écrasé la poursuite ?! ' Voyez comme est Francis Moreau, énorme mécanique à rouler, mais surtout pas rouleur de mécanique ', écrivit alors Claude Droussent2. Puis d'ajouter, pour achever le portrait, cette précision qui aurait dû peser lourd dans la geste cycliste : ' Moreau est un héros, capable de couvrir cinq bornes en 5 mn 32 sec dans un tournoi de poursuite, ce que ni Moser ni Ekimov n'ont jamais envisagé. '3 Seulement, l'intéressé demeurait ce pour quoi il croyait être né : servir. Servir les autres avec ses muscles d'airain, ses dons stupéfiants - une VO2 max de 90, une capacité pulmonaire de 90 - et sa générosité souriante mais gênée. En somme, un brave type, estimé par ses partenaires, par ses patrons, et convenablement payé, ce qui ne laissait pas de l'étonner ! Dans ces conditions, redresser la tête, courir sa chance, ne l'effleurait plus. Il n'y avait qu'au moment des Quatre Jours de Dunkerque, de Paris-Roubaix ou de certains prologues qu'il rêvait du grand soir...

Mais quelle puissance ! Quel exceptionnel coup de pédales, digne d'illustrer les anthologies. Chacun le répétait à l'envie, le mercredi 15 septembre 1993, tandis que le Picard remportait bras levés un Paris-Bruxelles historique, après 210 kilomètres d'une impensable échappée solitaire ! Derrière, Nijdam, Museeuw et Capiot, à quelque sept minutes... ' Francis est parmi les cinq meilleures jambes du peloton mondial ', confirma, admiratif, Patrick Lefévère, son ancien directeur sportif chez GB-MG. ' Son problème, c'est qu'il reste très fragile mentalement, et ne croit que très rarement dans ses forces et dans ses possibilités qui sont énormes '4. Pour sa part, la vedette du jour ne pouvait qu'acquiescer. Oui, il avait du talent... Oui, il manquait de confiance... Mais, si discret qu'il fût, il tenait à souligner le respect qu'il vouait à ses employeurs et à son métier, à la diététique, à l'entrainement, à la récupération, ce qui faisait de lui un coureur particulièrement disponible. C'est au point qu'en 1996, associé à Philippe Ermenault, Jean-Michel Monin, Christophe Capelle, il décrochait le titre olympique en poursuite par équipes ; et que pour ses adieux à la compétition, quatre années plus tard, il s'offrait une quatrième place à Sydney, dans le même tournoi de poursuite par équipes, puis une quatrième place encore, lors du championnat du monde de poursuite individuelle. Autrement dit, Francis Moreau avait su vieillir, pareil aux vins qui n'emportent pas la bouche ni ne tournent la tête. On ne l'appelait ' le Grand ' par hasard.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.



Francis Moreau en bref

* Né le 21 juillet 1965 à Saint-Quentin.
* Professionnel chez Fagor (1989), Histor (1990), Tonton Tapis (1991), GB-MG (1992), Gan (1993 à 1996), COFIDIS (1997 à 2000).
Principales victoires : prologue Tour de la CEE  1989 ; prologue de Paris-Nice et de la Semaine Catalane 1990 ; G.P. Fréquence Nord 1990 ; étape au Tour de l'Oise et au Midi-Libre 1991 ; étapedu  Critérium international 1992 ; Paris-Bruxelles 1993 ; À Travers le Morbihan 1995. Piste : champion du monde de poursuite 1991 ; champion olympique de poursuite par équipe 1996 ; champion de France de poursuite 1998.

 


1 Voir Sport Magazine du 27 août 1992.
2 L'Équipe du 19 août 1991.
3 Ibid.
4 L'Équipe du 16 septembre 1993.



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