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Apo Lazaridès, tête haute, tête basse...


Il fut le légendaire vainqueur, en 1946, du ' petit Tour de France '. Ensuite, il servit Vietto et manqua de peu le titre mondial. Portrait d'Apo Lazaridès, un petit bonhomme qui faillit devenir un géant...


Il faut imaginer la scène : un gosse de vingt ans, les yeux écarquillés, ne sachant ni que dire, ni que faire devant les journalistes qui le pressent. C'était en juillet 1946, dans un monde à peine sorti de la guerre. De Gaulle semblait un dieu, Leclercq un géant. Ils incarnaient non seulement la patrie libérée, mais aussi la France éternelle, aux racines profondes. D'où l'idée de relancer très vite le Tour de France, icône des étés d'autrefois. Mais, comment dessiner un parcours ? Jacques Goddet fit ce qu'il put : cinq étapes tracées entre Monaco et Paris, dix cols de légende, dont l'Izoard et le Galibier, pour enflammer une épreuve baptisée le ' petit Tour de France '. Par bonheur, René Vietto, gloire cycliste nationale, endossa le maillot jaune. Au départ de la dernière étape, il précédait de deux minutes Jean Robic - un Breton en pleine forme, capable de lui souffler la vedette ! Alors, Vietto eut une intuition fantastique : miser de bon matin sur Apo Lazaridès, son protégé, son gregario en équipe de France. Évidemment, personne ne se méfia. Puis, quand Robic, soudainement inquiet - les échappés possédaient quarante-cinq minutes d'avance -, se tourna vers Vietto, il comprit qu'il avait été joué. À la stupéfaction générale, Lazaridès empochait la plus belle course du moment !

 Lazaridès ? Les spécialistes allongèrent le cou pour découvrir un champion d'un mètre soixante-trois, qui pesait 48 ou 50 kilos ! Signe distinctif ? Une dévotion maladive à René Vietto, cabot spectaculaire, généreux mais irascible. Moyennant quoi, Jean-Apôtre Lazaridès, surnommé ' Apo ' ou ' l'enfant grec ', en prenait chaque jour pour son grade ! ' Il trinquait pour une histoire d'écrou mal vissé, pour une tartine mal beurrée, ou parce que René avait soif, ou parce que René avait mal au pied ! ', témoigna Pierre Chany1. De fait, Vietto, au sens propre, le tyrannisait. Dix autres se seraient révoltés ; Apo, lui, baissait commodément la tête. Il était né ainsi, pour vénérer l'idole et le remercier. Même sous le fouet, il n'aurait pas oublié qu'il devait à son maitre sa prestigieuse victoire...

 Tout partait de là : le maillot jaune, le petit Tour... Dans la France apaisée, ce fut pareil à un coup de tonnerre. Quel symbole, en effet, et quel motif d'espérance, que le triomphe de ce jeune homme volontaire, qui vint saluer la foule dans un pantalon rapiécé, des sandales de cordes aux pieds. ' Lorsque j'ai vu toutes ces photos de moi ' à la une ', mon nom en grosses lettres dans tous les kiosques de Paris, j'ai fondu en larmes. Je n'ai jamais autant chialé que ce jour-là ', avouerait-il plus tard2. Cela étant, pour inattendu qu'il fût, son succès couronnait un authentique talent de grimpeur dont on eut confirmation l'année suivante, quand Apo Lazaridès termina deuxième du Grand Prix de la montagne derrière Brambilla. Cette fois, bien sûr, il s'agissait du Tour de France véritable, avec vingt et une étapes et Jean Robic pour vainqueur final. De son côté, Vietto, longtemps aux commandes, avait sombré à deux jours de l'arrivée, malgré l'aide inconditionnelle de ' l'enfant grec '. Car les choses s'étaient déroulées de la sorte : Apo poussait, et le ' roi René ' sauvait les apparences dans les cols ! Ce qui ne l'empêchait pas de sentir, l'air maussade, ce que tout le monde sentait : l'élève avait dépassé le vieux maitre...

Sacré petit bonhomme ! Une classe pure, sans aucun doute, qui le rangeait parmi les meilleurs escaladeurs de l'histoire. C'est au point qu'en 1948, dans le Tour, il prit de nouveau la deuxième place du Grand Prix de la montagne, uniquement précédé par l'intouchable Bartali. Puis, le 22 août 1948, sur le difficile circuit de Valkenburg, théâtre du mondial, il créa la surprise en attaquant dès le quarantième kilomètre. Avec lui, un Français, Lucien Teisseire, et un Belge, Brik Schotte, déjà lauréat de deux Tours des Flandres. Autant prévenir que la partie ne s'annonçait pas facile. Pourtant, l'ancien coursier de l'Etoile Sportive Cannoise défendit crânement sa chance pour conquérir la médaille d'argent. Et le lendemain, les gros titres, encore ! Pensez, vice champion du monde professionnel à vingt-deux ans ! Lui si frêle, mais si décidé... Le vrai est que le public l'adorait.

Adoré, oui. Comme son maitre... À la différence près que René Vietto, perfectionniste, avait tout sacrifié au cyclisme, même un doigt de pied (' Comme ça, je serai plus léger dans les cols ', déclara-t-il au chirurgien3.) ! Tandis que Lazaridès aimait vivre. La noce l'intéressait davantage que l'effort, et il n'est pas faux d'écrire que la tête lui tournait. On le perçut en 1949, après qu'il eut remporté la Polymultipliée - soit dit pour mémoire, sa dernière grande victoire. ' Eh ! Fred ! La valise. Ma valise. Vous ne la prenez pas ? '4 C'était sur un quai de gare, devant des supporters venus le féliciter. Fred Oliveri, son directeur sportif, lui rouvrit les yeux : ' Oh là ! expliqua-t-il. Parce qu'il venait de gagner la Polymultipliée, Monsieur voulait qu'on lui porte sa valise ! Il se figurait qu'il était devenu un super ! Eh bien ! je peux vous dire qu'il a entendu parler du pays, ' l'enfant grec ' ! Il se l'est rappelé ! '5

Pour laisser passer l'orage, Apo Lazaridès baissa la tête ; il baissa aussi d'un cran ses ambitions. Dans le Tour de France, le temps d'une étape, ou dans le critérium du Dauphiné-Libéré, il fit encore illusion. Puis, doucement, il s'effaça des pelotons. ' Je n'ai jamais fait sérieusement le métier de coureur ', devait-il reconnaitre en 19816. Et nous de songer à l'apostrophe de Vietto, dans le silence doré de la Scala, au soir de l'arrivée d'un Giro : ' Apo ? Tu vois la femme-serpent sur la scène ? Elle fait son métier, elle, petit con ! '7

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.



Apo Lazaridès en bref

* Né le 16 octobre 1925 à Marles-les-Mines. Décédé le 30 octobre 1999 à Nice.
* Professionnel chez France Sport (1946 à 1949), Helyett (1950), France Sport (1951 et 1952), Rochet (1953), Arliguie (1954 et 1955), Condor (1956).
* Principales victoires : Monaco-Paris 1946 ; Marseille-Monaco 1946 ; Course de côte de Sainte-Beaume 1948 ; Polymultipliée 1949.



1 Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Éd. Cristel, 1996, p. 19.
2 Roger Dries, Le Tour de France de chez nous, Éd. Serre, 1981, p. 73.
3 Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, op. cit., p. 19.
4 Fred Oliveri, les fabuleux souvenirs du plus vieux cyclistes du monde, Éd. Cristel, 2005, p. 48.
5 Ibid., p. 49.
6 Roger Dries, op. cit., p. 73.
7 Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, op. cit., p. 19.



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