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gianello dante

Gianello, un super, je vous dis !


 
C’était un grimpeur hors de pair que la guerre priva de ses meilleures années. Puis il perdit une jambe dans un dramatique accident de course. Portrait de Dante Gianello, champion longtemps mythique sur la Côte d’Azur… 
   
Cette misère-là, sans doute est-ce Fred Oliveri, son directeur sportif chez France Sport, qui l’a au mieux racontée… D’abord, la victoire d’un de ses coureurs, puisque Jean Galiussi avait triomphé. Puis l’annonce du drame, à peine croyable... Comment dire ? Ce 15 août 1945, alors que le Grand Prix du Débarquement-Sud touchait à sa fin, deux champions fauchés par une jeep qu’on ne devait jamais retrouver. Un mort : Bruno Carini. Et un être supplicié, Dante Gianello, dont Fred Oliveri parlerait jusqu’au soir de sa longue vie : « Vous vous rappelez : celui qui a perdu une jambe… Oh ! lui, dans les côtes, il marchait du tonnerre ! Il avait remporté beaucoup de courses avant-guerre. Il courait bien. Il était intelligent. En 1945, il grimpait encore — un super, je vous dis ! »[1] Et de témoigner, la voix étranglée : « Le chef chirurgien m’a montré Gianello : « Regardez comme il est… Je ne peux rien faire. Il perdra sa jambe [gauche]. »[2]
C’était fini. Fini la carrière et les rêves d’une vedette d’1,61 mètre née en 1912, dans la vieille Italie. Il l’expliquerait souvent : né à Chiesa, aux environs de Monza. Une région industrieuse, rude, que ses parents abandonnèrent pour Beaulieu, havre de la mythique Côte d’Azur… Ses résolutions à l’adolescence ? Devenir hôtelier, comprenez un monsieur, un notable. Aussi s’acharna-t-il avec beaucoup de logique dans différents métiers, endossant successivement la livrée du chasseur, du liftier, du serveur, de l’aide-cuisinier… Et puis, comme il sentait obstinément qu’il fallait apprendre davantage, il commença à suivre des cours de droit, ce qui le transforma bientôt en référent de la communauté italienne. C’était l’époque, notons-le au passage, où lui-même avait demandé la nationalité française. Quitte à en payer le prix : les mois du service militaire ! Ils changeraient sa vie…
Jusqu’ici, quel rôle avait-il joué ? Celui d’un petit homme sans complexe, à l’ambition pour deux. On aurait pu ajouter : un petit homme solide, régulièrement placé dans les épreuves de courses à pied. Mais, étonnamment, ce ne fut qu’au 81e Régiment d’Infanterie de Montpellier que notre soldat monta pour la première fois sur un vélo, le véhicule des moins pauvres que lui. Et tout de suite, il s’avoua conquis, subjugué ! La vitesse, la liberté… Il pédala des semaines entières, ravi d’imposer son rapport poids-puissance (il pesait 60 kilos) aux rares camarades qui acceptaient de rouler de conserve. Bref, un réel faisceau de promesses qu’il s’efforça de confirmer avec son application coutumière. On sait le reste : la licence signée à l’A.V.A. Nice, sa première grande sortie, le Trophée Colimet 1934, achevée en deuxième position, sa rencontre avec René Vietto, de deux ans son cadet, leurs coude à coude en Provence… Certes, le prodige Cannois, vainqueur de quatre étapes durant le Tour de France 1934, avait déjà marqué les esprits. Mais, au jeu des comparaisons, et compte tenu de son propre parcours, Dante Gianello n’était pas ridicule. Ses faits d’armes ? Premier de Nice-Puget-Théniers-Nice 1934 devant Henri Puppo, premier de Toulon-Nice-Toulon 1935. Sans oublier, cette même saison, sa deuxième place dans le réputé Tour du Pays Basque derrière un certain Gino Bartali… À vingt-trois ans, il était prêt à s’attaquer au Tour de France.
Ce Tour 1935, trop vite promis à l’inénarrable Vietto, fut celui de Romain Maes, un gosse élevé à la dure, parmi une fratrie de quinze enfants. Quant au jeune Gianello, il fit mieux que se défendre, terminant vingt et unième à Paris (huitième dans sa catégorie des touristes-routiers). Il revint sur le Tour l’année suivante — hélas, victime d’une très lourde chute dans la descente du Lautaret, il abandonna le septième jour, laissant à craindre qu’on ne le reverrait pas de sitôt sur une selle… De fait, des mois durant, il traina de multiples séquelles, qu’il masquait toutefois derrière un optimisme viscéral, qui le rendait particulièrement populaire, particulièrement attachant. Ce fut donc sans une plainte qu’en 1938, revigoré, il se remit à dominer les montagnes : victoires dans la course de côte du mont-Faron et dans le Circuit du Ventoux, victoires dans le Tour du Vaucluse et les Boucles de Sospel en 1939, dans le Grand Prix de la Côte d’Azur et le Grand Prix du Pays Grassois en 1940, dans le Grand Prix de Nice et le Circuit du Midi en 1941, et ainsi de suite, jusqu’au terrible 15 août 1945… Cependant, son principal exploit datait du Tour de France 1938, lorsqu’il s’était adjugé, devant son public, l’étape Cannes-Digne, ce qui l’avait projeté à la quatrième place du classement provisoire. Puis, le lendemain, soudainement, il s’était effondré sur les rampes du col de Vars. Vomissements, yeux hagards… Le dopage ? Non, un empoisonnement ! Dans le bidon qu’un spectateur inconnu lui avait tendu, le médecin devait plus tard « déce[ler] trois grammes de strychnine » ! « Si je l’avais bu complètement, j’aurais succombé sur le coup… »[3] Un attentat, en somme, demeuré inexplicable, sauf à le porter sur le compte des hystéries du moment… Dans ces conditions, le « super » n’eut que le temps de terminer dixième du Tour de France 1938 et onzième du Tour de France 1939. Ensuite la guerre éclata. Dante Gianello la subit comme tous ceux de sa génération, glanant ici ou là les tristes fleurs d’un calendrier largement tronqué. Ce ne fut qu’en 1945, après les débarquements alliés, qu’il se crut sorti d’affaire. Puis, le 15 août, une jeep folle… À Roger Dries venu jadis lui reparler de ce jour funeste, Dante Gianello, montrant son cœur, souffla ces simples mots : « Il pleure encore… »[4]
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

 
 
Dante Gianello en bref
 
  • Né le 26 mars 1912 à Chiesa (Italie). Décédé le 14 novembre 1992.
  • Professionnel de 1935 jusqu’au 15 août 1945.
  • Principales victoires : G. P. Peugeot 1935 ; Nice-Toulon-Nice 1935 ; Course de côte du mont-Faron 1938 ; Cir. du Ventoux 1938 ; 13e étape du Tour de France 1938 ; Tour du Vaucluse 1939 ; G. P. de la Côte d’Azur 1939 et 1940 ; Boucles de Sospel 1939 ; G. P. du Pays Grassois 1940 ; G. P. de Nice 1941 ; Cir. du Midi 1941 et 1945 ; Vichy-Limoges 1941 ; Limoges-Vichy-Limoges 1942 ; Cir. du mont-Chauve 1942 ; Prix de Brive-la-Gaillarde 1942 ; Saint-Etienne-Lyon 1943 ; G. P. des Alpes 1943 ; Cir. des Villes d’eau d’Auvergne 1945.



[1]Fred Oliveri, les fabuleux souvenirs du plus vieux cycliste du monde, Éd. Cristel, p. 74.
[2]Ibid., p. 75.
[3] Roger Dries, Le Tour de France de chez nous, Éd. Serre, p. 65.
[4]Ibid.



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