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Bernard Gauthier, en de mystérieuses épousailles...


 
Il fut le premier homme à gagner quatre fois Bordeaux-Paris et il porta le maillot jaune. C’était un athlète splendide et généreux, qui courait autant pour lui que pour les autres. Portrait de Bernard Gauthier, grand animateur du cyclisme… 
  
Il faut avoir beaucoup aimé le cyclisme, et beaucoup fouillé les archives, pour sentir l’incroyable d’une telle phrase : « Ce fut de mémoire de suiveur, le plus captivant des Bordeaux-Paris »[1]… Or l’épreuve en question, longue d’environ six cents kilomètres, était née à la fin du XIXe siècle, dans l’espérance des temps modernes. Elle avait survécu à l’automobile, à deux guerres, revenant chaque année pour glorifier l’héroïsme des géants de la route. Et quels géants ! D’abord le prodigieux Gaston Rivierre, vainqueur en 1896, 1897, 1898. Puis les lauréats du Tour, Garin, Trousselier, Faber, Pélissier, Kubler. Puis les inépuisables, dont Cyril Van Hauwaert, Eugène Christophe et Henri Suter, sans oublier Georges Ronsse et Bernard Gauthier, tous deux sacrés à trois reprises, trente et soixante ans après Rivierre. Bref ! l’histoire en était à ce point, en 1957, lorsque le fameux Bernard Gauthier, d’ailleurs champion de France en titre, s’élança pour un inimaginable défi : courir et gagner une quatrième fois la course la plus ancienne, la plus terrible, la plus mythique. On sait comment François Terbeen a raconté la suite : « le plus captivant des Bordeaux-Paris »… Cinquante attaques au moins, crachées dans la moiteur d’une chaleur d’orage, par des princes nommés Dupont, François Mahé, Bouvet, Van Geneugden ou André Darrigade. Quant au formidable Rik Van Looy, novice plein d’arrogance, il avait littéralement mordu la poussière — « écroulé sur l’herbe de la plaine beauceronne, où son maillot rouge apportait une tâche sanglante, pareille à celle d’un énorme coquelicot », devait écrire joliment Terbeen.[2] Reste que l’essentiel se décidait à l’avant, Darrigade ayant de nouveau forcé l’allure en direction d’Ablis. Un court instant, il put croire en ses chances ; mais l’inimitable pétarade d’un derny lui apprit bientôt que l’ogre au drapeau tricolore avait rappliqué. Les actualités filmées ont fixé cette minute : Gauthier massif, écrasant une machine qui semblait trop petite, dans un sentiment d’irrépressible puissance. Puis, crevant la foule innombrable, étonnée, admirative et criante, Gauthier toujours, arc-bouté derrière son entraineur Hugo Lorenzetti. À l’arrivée, celui qu’on appellerait « M. Bordeaux-Paris » se délivra lentement, dressant deux bras noués vers le ciel. Son œuvre était faite.
            Une œuvre, oui, signée et contresignée en 1951, 1954, 1956, 1957. Quatre participations, quatre victoires, comme si cette course et cet homme s’étaient de longtemps attendus, invités pour de mystérieuses épousailles. Parce qu’il s’agissait de cela : un rendez-vous, une connivence, un don secret pour tirer le meilleur du derny… Pourtant, Dieu sait si Bernard Gauthier était l’athlète le moins né pour conquérir l’illustre vieille dame ! On ne parle pas du physique : Hercule ! Mais un mental d’écorché vif, une hyper sensibilité qui le poussaient à la faute, dans son souci de mieux faire. Ainsi avait-il terminé deuxième de deux Boucles de la Seine (1949, 1950), d’un Tour des Flandres (1951), de deux Paris-Bruxelles (1951, 1956) et d’un Milan-San Remo (1955), alors qu’il possédait, selon la formule de Pierre Chany, « du cœur au ventre et des jambes d’acier »[3]. Dépité, le sage Antonin Magne ne put que tordre son légendaire béret. Il chérissait tel un fils trop prodigue ce batailleur qu’il surnommait « le dynamitero de [s]on équipe »[4].
            En fait, que manquait-il à ce garçon révélé chez les indépendants en 1946, grâce à sa victoire dans le Tour de Haute-Savoie ? D’aucuns diront : un doigt d’ambition, ce qui n’était pas faux. Mais, plus encore, il lui manquait la morgue dont s’arment les cadors. C’était réellement un bon type, animé par un véritable sens du service et de la collectivité. D’où son bonheur particulier de disputer cinq fois le Tour de France en équipe nationale (1949, 1951, 1952, 1953, 1955), et de contribuer vigoureusement à deux des trois succès de Louison Bobet. De la même façon, il n’était pas peu fier d’avoir offert au même Bobet l’édition 1956 de Paris-Roubaix, car c’était bien lui, après mille relais, qui avait trouvé la force de bondir, obligeant Rik Van Steenbergen à se découvrir. Que serait-il advenu si le Belge, à l’inverse, s’était relevé ?  Gauthier eût sans doute triomphé. Seulement, sur ce coup — pas sur tous, hélas —, le roi des classiques avait défendu son sceptre. Dans un sport où perdre ou gagner se joue sur le fil, on peut en déduire que « Monsieur Bordeaux-Paris » a aussi manqué de chance…
            Mais le gaillard se voulait optimiste ! N’avait-il pas reçu de la vie ce qu’il n’aurait jamais cru recevoir, à commencer par un bouquet d’étape dès sa deuxième participation au Tour de France, en 1948 ? Un Tour épique, couru sous la pluie, dans le froid. Après trois semaines, n’étaient demeurés que les cracks et les solides. Bernard Gauthier fut l’un d’eux, qui s’imposa à Roubaix, la veille de l’arrivée finale. Puis, en authentique spécialiste des pavés, il repartit à l’assaut deux années plus tard. C’était précisément le samedi 15 juillet, sur la route de Lille. Malgré une crevaison en fin de course, il avait rejoint ses compagnons d’échappée, suant et souffrant pour revêtir un brûlant maillot jaune. Reporter à L’Équipe, Pierre Bourrillon le montra assis sur un coin de pelouse, riant « comme un gosse qui, devant un jouet neuf, sent les larmes de joies lui piquer les yeux. »[5] Débutait une belle aventure. Il porterait sa couronne sept jours durant.
            Premiers pas vers la gloire. Le reste s’accomplirait dans la roue d’un derny, entre Bordeaux et Paris. 
 

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Bernard Gauthier en bref
  • Né le 22 septembre 1924 à Beaumont-Monteux.
  • Professionnel chez Follis (1947), Mercier (1948 à 1961).
  • Principales victoires : 20e étape Tour de France 1948 ; Bordeaux-Paris 1951, 1954, 1956, 1957 ; G.P. de l’Écho d’Alger 1952 ; Tour du Sud-Est 1952 et 1958 ; G.P. du Pneumatique 1953 ; deux étapes au Dauphiné-Libéré 1954, une en 1955 ; championnat de France 1956 ; Critérium des As 1956. Lauréat du Challenge Sedis 1956.


[1] François Terbeen, Dans la roue des champions, PAC, 1978, p. 98.
[2] François Terbeen, op. cit., p. 99.
[3] Pierre Chany, La Fabuleuse histoire des classiques, O.D.I.L., 1979, p. 101.
[4] Antonin Magne, Poulidor et moi, Del Duca, 1968, p ; 23.
[5]L’Équipe du 16 juillet 1950.



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