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garrigou gustave

Gustave Garrigou, Moustache conquérante


Il y a exactement cent ans, il devenait le premier champion de France sur route de l'histoire. Puis il ajouta des classiques et le Tour de France à son palmarès. Portrait de Gustave Garrigou, l'un des plus rudes adversaires des Petit-Breton, Faber et Lapize...

 

Un ouvrage quelquefois hasardeux sur les détails, mais précieux pour les grandes lignes, le présente de la sorte : ' Sans doute le coureur le plus régulier que le cyclisme ait connu. Ses huit participations au Tour de France le confirment : il le gagne en 1911, termine trois fois deuxième, deux fois troisième et une fois quatrième et cinquième. Sur 177 étapes courues, il en remporte huit et se place parmi les dix premiers dans quatre-vingt huit autres. '1 Vérification faite, Gustave Garrigou, professionnel de 1907 à 1914, a bien cumulé les accessits au mois de juillet. Il s'est en outre distingué dans les classiques, enlevant Paris-Bruxelles, le championnat de France sur route, - c'était le premier de l'histoire - et le Tour de Lombardie en 1907. Toujours en 1907, c'est-à-dire pour lancer sa carrière, il prit également la deuxième place de Milan-San Remo et du Tour de France, la troisième de Bordeaux-Paris, la quatrième de Paris-Roubaix. Bref, un prodige qui nous épate encore, cent ans plus tard... Le problème sera de comprendre pourquoi cet enfant du Rouergue, né à Jaoul-Vabre en 1884, n'a point perduré.

Car le fait est là : Gustave Garrigou, parti pour tout écraser, a manqué du surcroit de classe qui désigne les élus. Pourtant, en 1908, il décrocha un second titre national. Il finit deuxième du Tour de Belgique et quatrième du Tour de France, témoignant d'un fond véritable. Mais, au même moment, un amateur de génie, Octave Lapize, s'imposait dans Paris-Auxerre et s'appropriait le bronze dans la course des 100 kilomètres, aux Jeux olympiques de Londres. L'élu, ce serait lui. Jusqu'en 1914, Gustave Garrigou le trouverait sur son chemin - très proche, et cependant insaisissable.

Lapize, oui... Lapize, l'homme des phénoménales séries, bientôt vainqueur de trois Paris-Roubaix, de trois Paris-Bruxelles, de trois championnats de France, en marge d'un Tour de France, d'un Paris-Tours et d'une multitude d'épreuves sur piste, pour se conformer aux habitudes de l'époque. Et quand Lapize, par bonheur, se lassait, le puissant François Faber montait au créneau, relayé par Lucien Petit-Breton, Émile Georget, Louis Trousselier, Cyrille Vanhouwaert, Marcel Buysse, Oscar Egg, Henri Pélissier ou Philippe Thys. On le voit : un peloton d'exception, qui marbrait les nombreuses places d'honneur de Gustave Garrigou. Sans compter que l'intéressé, par une bizarrerie du destin, souffrait d'une chronique malchance. Si un seul gars crevait cinq fois durant l'étape, c'était lui ! Si un seul favori était pris dans une chute, c'était lui ! Pour donner le change, il dépensait une énergie monstrueuse, semblable à celle du Faber des grands jours. C'est ainsi que dans le Tour de France 1914, malgré une chute puis une crevaison, il se jeta corps perdu dans la bataille du Galibier et revint sur Thys et Pélissier pour leur souffler la victoire à Genève. Ce fut son ultime bouquet. Deux semaines après, selon sa propre formule, ' [il] redevenai[t] le canonnier de deuxième classe Garrigou Gustave '2.

Malchanceux, lui ? On se reconsidéra l'affaire en 1918, lorsque sonna le glas. Le canonnier Garrigou Gustave avait eu la vie sauve, à l'inverse des Lapize, Faber, Petit-Breton... D'où la belle humeur qu'il cultiva par la suite, roulant le long de la Marne jusqu'à soixante-douze ans - ' Je pouvais encore pédaler, bien entendu, mais j'étais obligé de monter la côte à pied... et je ne voulais pas qu'on me blague ', raconterait-il à Marcel Diamant-Berger. Il est vrai qu'en 1910, il avait été l'unique coureur à gravir entièrement le Tourmalet sans descendre de machine. Qu'on imagine la scène : une sente boueuse, des virages pareils à des murs et cet athlète têtu qui s'échine, serrant son guidon comme l'alpiniste son piolet, et jurant de dompter cette montagne que le Tour de France célébrait pour la première fois. Au sommet, conscient de son exploit, il avait, écrivit Victor Breyer, ' levé le bras en un geste triomphateur '3. Puis il s'était effondré dans un ruisseau, littéralement vidé de ses forces. Des vaillants de son espèce, il n'y en eut pas tellement en un siècle de cyclisme...

Il avait donc débuté en 1907, chez Peugeot, après avoir remporté Paris-Dieppe, Paris-Provins et Paris-Reims dans la catégorie amateur. À l'évidence, une jeunesse privilégiée du côté de Pantin, au sein d'une famille de commerçants enrichis. Pierre Chany croyait savoir qu'il en avait conservé des ' allures de dandy ' et que ' sa mise, toujours impeccable, tranchait avec le reste du milieu. '4 Il en aurait même été jalousé, comme le serait ensuite Louison Bobet, jugé trop maniéré. Chose sûre : Gustave Garrigou, appelé officiellement Cyprien Garrigou, s'était vite opposé à son père, qui le vouait à développer la sacro-sainte épicerie. Par défi, il modifia son prénom ; par passion, il se fit coursier crasseux, suant, puant mais suprêmement volontaire - un géant de la route, pour tout dire ! Mais, au quotidien, une vedette populaire, qui assumait son statut. Sur les photos, notamment celles prises dans les vélodromes, il arbore la moustache conquérante d'un solide hobereau. Allez deviner pourquoi ? il nous fait songer au Rodolphe Boulanger de Madame Bovary, charmeur irrésistible et sanguin, qui laissa Emma brûlante dans un fiacre... Peut-être l'illustre Gustave était-il de cette race ; ou peut-être n'est-ce là que du mauvais roman... Quoi qu'il en fût, dans les cols, il multipliait les audaces. ' J'aurais beaucoup aimé le connaitre ', regretta souvent Pierre Chany.5

Gustave Garrigou est mort à soixante-dix-neuf ans, victime d'une congestion pulmonaire. Il repose dans le cimetière d'Esbly.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.


Garrigou en bref

* Né le 24 septembre 1884 à Jaoul-Vabre. Décédé le 28 janvier 1963 à Esbly.
* Professionnel de 1907 à 1914, chez Peugeot et Alcyon.
* Principales victoires : Championnat de France 1907 et 1908 ; Paris-Bruxelles 1907 ; Tour de Lombardie 1907 ; Tour de France 1911.
* Ses places d'honneur dans le Tour : 2e en 1907, 4e en 1908, 2e en 1909, 3e en 1910, 3e en 1912, 2e en 1913, 5e en 1914 (huit victoires d'étape au total).



1 Collectif, Le Dictionnaire des coureurs, La Maison du sport, p. 945.
2 Marcel Diamant-Berger, Histoire du Tour de France, Gedalge, p. 83.
3 L'Auto du 22 juillet 1910.
4 Christophe Penot, Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Éd. Cristel, p. 50 .
5 Ibid.



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