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Laurent Fignon, après Rastignac...


Deux fois consacré par le Tour de France à moins de vingt-quatre ans, il devait égaler Merckx et Coppi. Puis son élan se brisa, le condamnant à vaincre par à coups, dans des courses de prestige. Portrait d'un puncheur qui s'appelait Laurent Fignon...


Si un texte doit suffire pour camper cet homme-là, il sera signé par le journaliste Pierre Chany, principal observateur du cyclisme mondial. ' Savez-vous quel est le coureur qui m'a le plus épaté depuis le Tour 52 ? Laurent Fignon... Pour moi, en 1984, lorsqu'il gagne son deuxième Tour de France, il est au même niveau que Coppi. Il fait ce qu'il veut dans les Alpes, alors que ses adversaires s'appellent Herrera et Hinault ! Quand on analyse bien le résultat, c'est impressionnant. '1 Oui, impressionnant... Car le Fignon de 1984 n'avait derrière lui que deux saisons professionnelles. Né en 1960, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, il avait rejoint l'équipe Renault, c'est-à-dire l'école Guimard, en janvier 1982. Deux semaines plus tard, tout à son aise, il parlait haut, vite, bien, riait et charriait volontiers son leader, un certain Bernard Hinault... Bref ! Rastignac, comprenez un garçon ambitieux, qui rêve de conquêtes, de femmes, du pouvoir et d'argent. S'ajoute que l'athlète était aimablement fait... 1 mètre 75, 70 kilos, des jambes longues, un torse souple, des cheveux blonds, un regard bleu, des fines lunettes et un sourire franc pour éclairer un menton caricatural, tellement il semblait volontaire. Rien qu'à le voir, rien qu'à l'entendre, on devinait un personnage hors de pair, qui tranchait avec un peloton par nature moins prolixe.

Qu'il nous soit permis d'insister : un vrai personnage, qui n'était pas sans ranimer le Jacques Anquetil de 1953, résolu, intrépide, insolent... À ceci près, fondamental, que Laurent Fignon était l'homme de son milieu, l'homme de sa génération. Alors que son ainé conservait un fond de paysannerie normande, lui incarnait, pour la première fois dans l'histoire du cyclisme français, un champion citadin, éduqué, à jamais sans complexe. Pour preuve, ce Grand Prix de Cannes, le 27 février 1982, soit un mois à peine après l'ouverture. Extraordinaire de maitrise, le néo-professionnel change de rythme dans les bosses pour décrocher, bras levés, sa première victoire. Puis, le 2 mars, il se joue de Pascal Simon, de Bittinger, Bérard et Marc Madiot dans la difficile Flèche Azuréenne ! Évidemment, les spécialistes s'interrogent, alertés par ces débuts tonitruants. Arrivent les trois étapes du Critérium International, qui rassemble Hinault, Zoetemelk, Kelly, Roche, Van der Poel et un autre fort en thème : Greg LeMond. Dans la course de côtes, Fignon, inspiré, prend les devants en compagnie de Chappuis et Jourdan, deux Français qu'il battra dans le contre-la-montre. Désormais, chacun en est sûr : un géant s'est dressé.

On le retrouva en 1983, toujours fringant, toujours pressé, au reste déterminé à doubler la Vuelta et le Tour dans le sillage de Bernard Hinault, patron sur la route. Dire que les deux partenaires s'estimaient serait fausser le trait : la vérité est que Laurent Fignon n'estimait personne ; il croyait en sa force et suivait son étoile, préfigurant ainsi l'individualisme exacerbé qui deviendrait la norme des sportifs modernes... Toutefois, sa loyauté n'était pas mise en cause. Payé pour défendre son chef en Espagne, il le défendit sans relâche, sautant dans les roues, flinguant dans les cols ! ' Il faut harceler les Espagnols chaque jour et les épuiser avant la montagne ! '2, expliquait-il en authentique stratège. La suite est connue : Hinault vainqueur à l'arraché, le genou en miettes, et condamné à stopper sa saison ! Quant à son lieutenant, il était convenu qu'il partirait au Tour de France les mains libres. Cyrille Guimard, en effet, gardait en mémoire une récente remarque de Fred de Bruyne : ' Laurent Fignon est un bon opportuniste, qui ne laisse passer aucune occasion... '3

Ce Tour démarrait de Fontenay-sous-Bois. Fignon en prit intelligemment la mesure, freinant ses ardeurs dans la plaine. Puis il haussa le ton en montagne, quittant les Pyrénées en deuxième position, à 4 minutes et demie de Pascal Simon, donné invincible. Mais, dans cette guerre de trois semaines, Pascal Simon, malheureux, se brisa l'omoplate. Laurent Fignon n'avait donc plus qu'à tenir - et il tint, remportant le Tour de France dès sa première participation, pareil à Coppi, Koblet, Anquetil, Merckx et Hinault. Et comme il était lancé, il écrasa le championnat de France 1984 et un deuxième Tour de France, s'y octroyant cinq étapes qui lui valurent l'admiration générale. Sans compter sa deuxième place au Tour d'Italie, inoubliable à différents titres puisque tout le monde savait que Francesco Moser, maillot rose final, avait honteusement été avantagé par l'organisateur. Quoi qu'il en fût, à moins de vingt-quatre ans, Laurent Fignon dominait. On le croyait parti pour régner...

Le bilan ? Après ses deux Tours de France, le Parisien s'adjugea, entre 1985 et 1993, un Tour de Sicile, une Flèche Wallonne, deux Milan-San Remo, un Tour d'Italie, un Tour des Pays-Bas, un Grand Prix des Nations, un Trophée Baracchi, un deuxième Critérium International : des solitaires, sans rapport avec le butin annoncé... Pourquoi ? Comment ? La réponse est peut-être à chercher, elle aussi, du côté de Chany. ' Il s'est cassé comme se sont cassés des dizaines d'autres coureurs ', regretta le vieux maitre en évoquant plusieurs hypothèses, dont le dopage et les abus musculaires4. Parce que Laurent Fignon, esprit libre, était prêt à tout pour récupérer son sceptre ! D'où l'image qu'il offrit souvent, celle d'un lutteur, d'un puncheur redoutable - et celle d'un homme au commerce difficile, trop tôt gâté, trop arrogant.

Pourtant, quel champion ! Il méritait mieux. Il nous devait plus.

© Christophe Penot

Retrouvez chaque mois la suite de cette série de portraits dans La France Cycliste,
le magazine officiel de la Fédération Française de Cyclisme.

Laurent Fignon en bref

* Né le 12 août 1960 à Paris.
* Professionnel chez Renault-Gitane (1982-1985), Système U (1986-1989), Castorama (1990-1991), Gatorade (1992-1993).
* 81 victoires dont le Critérium International 1983, 1990 ; Tour de France 1983, 1984 ; Championnat de France 1984 ; Tour de Sicile 1985 ; Flèche Wallonne 1986 ; Milan-San Remo 1988, 1989, Tour de la CEE 1988 ; Tour d'Italie 1989 ; Grand Prix des Nations 1989. Vainqueur de neuf étapes dans le Tour de France. Lauréat de la Promotion Pernod 1983.



1 In Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, Éd. Cristel, 1996, p. 176.
2 L'Équipe, 18 avril 1986.
3 L'Équipe, 25 avril 1983.
4 In Pierre Chany, l'homme aux 50 Tours de France, op. cit., p. 176.

 



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